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ont obtenu de plus que M. Rieger autrefois, et ils ont quelque peine à répondre. Aussi s’apprêtent-ils à prendre des allures plus vives, et c’est pour le faire plus librement qu’ils ont obligé leur représentant dans le cabinet à démissionner. Cela sent la poudre : on comprend l’embarras dans lequel l’empereur se trouve. Après quelques jours d’hésitation et de réflexion, il a prié M. De Kœrber, par une lettre qui a été rendue publique, de lui continuer son concours. M. De Kœrber s’est incliné ; mais, ici encore, il y a lieu de craindre que la crise ne soit qu’ajournée.

Tout autre pays aurait sûrement de la peine à vivre dans les conditions que l’Autriche-Hongrie supporte par habitude, et dont elle se tire tant bien que mal. Le vieil édifice parait toujours menacé de dislocation, et il y échappe toujours. Ce qui fait l’instabilité de la plupart des ministères qui s’y succèdent, c’est qu’aucun, en somme, n’a une idée, un programme, une politique, et qu’ils ne sont, à tour de rôle, que des expédiens adaptés à la difficulté du moment, en vue de l’esquiver. Au milieu des races différentes qui composent la monarchie la plus composite de l’univers, le danger apparaît tantôt sur un point, tantôt sur un autre. Un jour, ce sont les Allemands qui font de l’obstruction ; un autre, ce sont les Tchèques. A chaque fois, on fait un ministère nouveau, qui est toujours provisoire et qui dure jusqu’au moment où le péril montre son autre face : alors, on en fait un autre. Il n’y a de solides que les ministres communs, qui ont affaire non pas au parlement, mais aux délégations, et qui représentent l’élément permanent de la monarchie : et encore vient-on de voir le ministre de la Guerre de l’Empire se démettre de ses fonctions. Le rôle des souverains consistant surtout aujourd’hui à choisir des ministres, on peut dire que François-Joseph est le souverain le plus occupé de l’Europe. Son travail ressemble à celui de Pénélope, avec la différence que ce n’est pas lui qui le défait ; mais on le défait sans cesse entre ses mains, et c’est toujours à recommencer.


Nous avons signalé une dernière crise ministérielle à Athènes. La cause en est à la fois politique et économique. Le ministère Théotokis, qui vient de donner sa démission, n’a duré qu’une quinzaine de jours, et il s’en est fallu de peu qu’il ne finit au milieu de l’émeute.

Quelques défections s’étant produites dans sa majorité, M. Delyannis, son prédécesseur, avait donné sa démission ; mais il ne l’avait pas fait sans regret, ni sans amertume, ni sans un vif désir de prendre une revanche prochaine. Se croyant sûr du pays, il aurait voulu dis-