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elle ne sera toujours qu’une « science auxiliaire de l’histoire : » elle n’existera pas en soi, comme la pathologie générale ou la physiologie comparée, mais toujours en fonction d’une autre science. Mais, certainement, elle éclairera d’une vive lumière plus d’une province obscure et inexplorée de l’histoire, et la connaissance intime des individus, en particulier, s’en trouvera comme renouvelée. Elle servira surtout, je ne veux pas dire à la solution, — que je crois qui nous fuira toujours, — mais à la discussion des problèmes que soulève la question de l’hérédité. Le travail herculéen que Brachet s’était proposé d’entreprendre sur les trente et une générations de nos rois de la troisième race, si quelqu’un l’entreprenait, sans remonter au-delà d’Henri IV ou de son père et de sa mère, sur la dynastie des Bourbons ; s’il étudiait avec autant de soin l’hérédité de nos reines que la généalogie de nos rois ; s’il ne se contentait pas de l’examen des symptômes qu’ils offrent les uns et les autres à l’observation pathologique, et qu’il analysât leurs « qualités » avec autant de précision et d’intelligente sollicitude que leurs « manques » ou leurs « défauts ; » s’il n’apportait dans cette analyse aucun de ces préjugés, de ces partis pris, de ces passions, ni rien de ces curiosités malsaines ou de cette érotomanie qui déshonorent les derniers volumes de l’Histoire de France d’un Michelet ; et enfin, s’il se montrait moins préoccupé, tout en rectifiant l’histoire, de la récrire ou de la refaire, que d’apporter sa contribution à l’étude de l’hérédité, nous serions étonnés, j’en suis sûr, et il le serait lui-même, de la nouveauté, de l’intérêt, de l’importance, de la solidité des résultats qu’il obtiendrait. A l’auteur de ce livre, si jamais on l’écrit, ce sera l’honneur de Brachet que de lui avoir non seulement montré, mais ouvert et frayé la voie.


F. B.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.