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aussitôt après leur établissement dans l’Inde et avaient fait du littoral du golfe Persique en même temps que du littoral indien le théâtre de leurs entreprises et des exploits de leurs conquistadors. L’empressement des Portugais d’abord, des Anglais ensuite, à diriger, dès leur arrivée dans l’Inde, leurs visées sur le golfe Persique s’explique aisément par l’intérêt majeur qu’offrait alors la possession de cette région pour la nation qui voulait détenir le premier rang dans le négoce et la navigation de l’océan Indien. À l’époque de la découverte du cap de Bonne-Espérance, le commerce des Indes avec l’Europe empruntait la voie du golfe Persique ; il suivait depuis des siècles cette voie qui, aux temps antiques avait fait la fortune de Ninive et de Babylone et qui faisait alors la fortune de Bagdad et de Bassora. Les Musulmans, maîtres du golfe, apportaient à Bagdad les étoffes de soie et d’or, le poivre, la cannelle, l’écaille, l’ivoire, la gomme, les perles, l’encens et la myrrhe, les produits précieux de l’Hindoustan, de la Chine et de l’Arabie, et rapportaient en échange la verrerie, le fer, le plomb et le cuivre de l’Occident. De Bagdad, les marchandises étaient transférées à travers l’Asie antérieure à Damas, à Alexandrie, et aux ports maritimes de la Syrie où les Pisans, les Florentins, les Génois et surtout les Vénitiens entretenaient des comptoirs florissans. Même après la circumnavigation de l’Afrique et la découverte de la voie maritime de l’Inde, cette route conserva, au cours du XIVe siècle et pendant une partie du XVIIe, une partie notable de son importance ; elle restait la grande route du commerce de l’Inde et de l’Anatolie, la maîtresse voie internationale entre l’Europe et l’Asie. Des marchands italiens et catalans continuaient à écouler par les plaines de la Syrie et de la Mésopotamie les produits de l’Occident, et les négocians de l’Inde à faire remonter à leurs marchandises le cours de l’Euphrate, d’où elles se répandaient dans l’empire ottoman.

La persistance séculaire du commerce de l’Orient à suivre, dans ses relations avec l’Europe, la voie du golfe Persique tenait aux facilités et aux avantages non comparables qu’offre cette voie aux navires. Par le golfe Persique, passe le chemin que suivent les lignes de navigation côtière de l’Inde ainsi que les pays de la Méditerranée. Entre la presqu’île de l’Inde et l’Asie antérieure, entre la côte de l’Iran et la côte d’Arabie, l’océan Indien s’enfonce en un bras de mer qui, commençant à la corne orientale de l’Arabie, au cap Ras-el-Hadd, s’avance jusqu’au détroit