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d’Ormuz : c’est le golfe d’Oman ; puis, au-delà, un second cul-de-sac maritime prolonge le premier, du détroit d’Ormuz au rivage de la Mésopotamie : c’est le golfe Persique. Ces deux bras de l’océan Indien, que fait communiquer le détroit d’Ormuz, pénètrent dans l’intérieur des terres sur une profondeur de 2 500 kilomètres et permettent aux navires d’arriver jusqu’à l’embouchure du Chatt-el-Arab, nom donné au confluent du Tigre et de l’Euphrate. Ce dernier fleuve est navigable lui-même jusque vers les confins de la Mésopotamie. Le grand coude que, à cette hauteur, l’Euphrate décrit à l’ouest, le rapproche des rivages de la Syrie, dont il n’est séparé que par la courte vallée de l’Oronte. Ainsi les marchandises venues de l’Orient pouvaient, en empruntant la voie maritime et la voie fluviale, remonter jusqu’au cœur de l’Asie Mineure ; et là, parvenues au point terminus de la navigation sur l’Euphrate, elles pouvaient, après un très court trajet par caravanes à travers le seuil de séparation des deux fleuves, descendre le cours de l’Oronte. Les facilités que donne au commerce cette voie si commode furent appréciées et utilisées dès les temps les plus reculés. Aux temps des rois de Babylone, sous la domination grecque d’Alexandre et sous les Séleucides, le golfe Persique et le courant de l’Euphrate restèrent le grand chemin entre l’Orient et l’Occident. Les villes qui jalonnaient son parcours ont compté parmi les plus florissantes de l’Asie. Ninive, Babylone, Séleucie, Ctésiphon, situées sur l’Euphrate et le Tigre, devinrent les capitales de puissans empires. La grande place de Carchémis, si souvent citée dans les luttes épiques des Pharaons et des rois d’Assyrie, acquit, grâce à sa position sur le grand coude de l’Euphrate une importance exceptionnelle. Dans des temps moins lointains, à l’époque romaine, Antioche, sur l’Oronte, au point où le rivage de la Méditerranée se rapproche le plus de la courbe de l’Euphrate, dut à cette situation sa fastueuse opulence et mérita d’être appelée la reine de l’Orient. Bien que s’élevant en plein désert, Palmyre, sur le passage obligé des caravanes qui, de l’Euphrate, gagnaient les ports de Syrie, eut aussi ses jours de puissance et de splendeur. Et, lorsque ces riches cités, ayant dû subir les vicissitudes de la fortune, eurent disparu, laissant seulement à la surface du sol, comme témoignage de leur magnificence passée, des montagnes de ruines, de nouvelles villes, Bassora, Bagdad, Diarbékir, Damas, Alep, autres étapes sur la même route, surgirent et héritèrent, sous la