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domination des califes, de leur activité dans le trafic international. Il convient d’ajouter en outre que cette route si commode est la plus courte et la plus directe, car elle permet d’éviter le grand détour par la côte méridionale d’Arabie et la Mer-Rouge. Aussi, dans les relations internationales avec l’Europe, la route du golfe Persique fut-elle préférée par les marchands à celle de la Mer-Rouge aux temps anciens, et l’était-elle encore au moyen âge et même après la découverte du cap de Bonne-Espérance ; et il est tout naturel que les maîtres européens de l’Inde fussent amenés à vouloir dominer dans le golfe Persique et le golfe d’Oman qui commandaient cette voie de communication. C’est ce que comprirent admirablement les Portugais. A leur arrivée dans l’Inde, les Arabes du golfe Persique et de l’Oman étaient les maîtres de la navigation dans l’océan Indien, et leurs navires allaient de Bassora et de Mascate à Calicut et aux îles de la Sonde ou à Mélinde et à Zanzibar, mettant en relations de commerce l’Afrique et l’Asie. Les Portugais leur firent une guerre sans merci, qu’ils poursuivirent pendant tout le XIVe siècle. Leur grand conquistador Albuquerque planta le pavillon portugais à Mascate et à Sohar et se fit céder en 1515 Ormuz ; les îles Bahréïn furent occupées ; El-Katif, sur la côte arabique, fortifié ; et tous les points qui étaient à la convenance des Portugais sur la rive persane et sur la rive arabique furent couronnés de forts et de citadelles et reçurent des garnisons. Ormuz était leur principale place d’armes et leur grand entrepôt commercial. Située dans une île, dans le détroit d’Ormuz, qui fait communiquer le golfe Persique et le golfe d’Oman, cette ville avait été fort judicieusement choisie tant au point de vue militaire et stratégique qu’au point de vue commercial. Sa position insulaire la mettait à l’abri des attaques de la terre ferme, avantage capital pour une nation comme le Portugal, dont la puissance consistait surtout dans ses vaisseaux. Entourée d’une ceinture de masses basaltiques, rochers escarpés baignant leur base dans l’Océan et élevant dans les airs leurs sommets en fantastiques tourelles, la ville avait une assiette naturelle très forte ; en outre, des fossés, une enceinte régulièrement bastionnée, un réduit central, qui la protégeaient, mettaient ses possesseurs en état de défendre facilement leurs personnes et leurs richesses. Ces dernières étaient grandes. Grâce à sa position entre l’Arabie, la Perse, l’Anatolie et l’Inde, Ormuz était le centre, le grand emporium où venaient affluer, au profit des