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il intitulait : Mon Cas littéraire le chapitre où il retrace ses débuts dans les lettres et esquisse une histoire de ses premières œuvres. En joignant ce nouveau volume à celui que Fabre publia naguère sous le titre de Ma Vocation, nous serons très précisément renseignés sur la genèse d’une œuvre dont c’est un des caractères que de devoir beaucoup aux souvenirs, aux émotions, à l’expérience personnelle de l’auteur.

Ferdinand Fabre est, comme on sait, le fils de bourgeois de Bédarieux. Il fait ses études au petit séminaire de Saint-Pons. L’été, il va passer les vacances chez son oncle, l’abbé Fulcran Fabre, curé desservant de Camplong. C’est là qu’il reçoit les premières impressions, les plus profondes et les plus durables. Ce sont d’abord des impressions de nature. On l’a maintes fois noté, ceux-là seuls seront capables de goûter et de traduire les émotions de la nature, qui les ont d’abord éprouvées dans leur âme toute nouvelle. Il faut que les yeux se soient promenés sur des horizons de verdure, de montagne ou de grèves marines, à l’époque où nous projetons sur le monde extérieur cette joie de vivre qui est en nous. A ceux dont l’enfance s’est passée dans les ailles, la campagne restera toujours une étrangère ; et s’il leur arrive plus tard de s’éprendre d’elle, on retrouvera chez eux les étonnemens un peu sots et les enthousiasmes dépourvus de spontanéité du citadin en villégiature. Peu importe d’ailleurs que les aspects qui nous ont frappés d’abord soient ceux de contrées magnifiques ou médiocres, sauvages ou gracieuses ; nous en saurons quand même dégager la beauté. La nature cévenole est âpre et rude ; mais c’est parmi ces sentiers de chèvres, sur ces pentes dénudées, que l’enfant a couru librement ; c’est au pied de ces châtaigniers qu’il a goûté l’ombre et le frais. Il s’est mêlé à la population rustique de ces pauvres hameaux ; il a été le compagnon des chevriers et des pastoures ; il a ébauché avec des fillettes aussi innocentes que lui des idylles ingénues. Il a trouvé chez ces braves gens des chaumières et des fermes une affection où se mêle une nuance de déférence. Il est pour eux « monsieur le neveu ; « celui qu’on peut bien traiter avec familiarité, mais non pas sans égards. Heureuse enfance, toute pleine d’impressions charmantes, qui laisseront pour toujours le cœur attendri et l’âme parfumée !

La famille Fabre, un beau jour, se trouva être complètement ruinée, et le moment étant venu que le jeune homme prit une carrière, on essaya de l’incliner vers la prêtrise. Le voilà au grand séminaire de Montpellier. Il a consenti, à l’épreuve loyale ; il étudie avec