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REVUE LITTÉRAIRE

LE CAS DE FERDINAND FABRE

Ceux qui, quelque jour, écriront l’histoire du roman pendant la seconde moitié du XIXe siècle, ne manqueront pas d’y faire une place à l’œuvre de Ferdinand Fabre, et probablement un peu plus large que ne l’ont faite les contemporains. Lorsque se sera tout à fait évanoui le bruit de telles renommées tapageuses, on percevra mieux la note que ce modeste a mise dans notre roman et qui, sans lui, y manquerait. On discernera d’où est venue à ce bon ouvrier de lettres une originalité que tant d’autres, en s’évertuant, n’ont pu conquérir. Dans un temps de littérature inquiète, fiévreuse, nerveuse, il a poursuivi, trente années durant, son labeur paisible et patient, défrichant le même champ, creusant dans le même sillon, sans se laisser décourager par une certaine indifférence du public même lettré. Alors que le souci de la réclame et le besoin de popularité sévissaient d’un bout à l’autre du monde des lettres, il s’est enfermé volontairement dans un genre de sujets qui ne pouvaient attirer la foule des lecteurs. Ce peintre des mœurs s’est obstiné à ne décrire que les milieux où il avait vécu lui-même, et n’a pas cru qu’une information hâtive menée en vue d’un objet immédiat pût suppléer à la longue habitude et à la familiarité désintéressée. Ce réaliste n’a pas cru que réalité eût pour synonyme brutalité. Cet artiste a eu le respect un peu ombrageux de son art et redouté les aventures où il eût risqué d’en compromettre et d’en abaisser la dignité. Apparemment cela constitue un cas, et tel était bien l’avis de Ferdinand Fabre, puisque dans les notes qu’il a laissées et qu’on vient de publier, Ma Jeunesse[1],

  1. Ma Jeunesse, Mon Cas littéraire, Mgr Fulgence ; 1 vol. chez Fasquelle. — Œuvres de Ferdinand Fabre, chez Fasquelle et chez Lemerre.