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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août.


L’élection du cardinal Sarto, patriarche de Venise, qui, en ceignant la tiare apostolique, a pris le nom de Pie X, a causé à la fois de la surprise et de la satisfaction : de la surprise, parce qu’il était peu connu à Rome où il n’avait fait que de rares apparitions, et que c’est à peine si on le classait au troisième ou au quatrième rang des papabili ; de la satisfaction, parce qu’après le scrutin d’où il est sorti vainqueur, on n’a trouvé que du bien à dire sur lui. Il faut donc croire que le Conclave a été bien inspiré en le choisissant. On avait parlé davantage de plusieurs autres candidats, et c’est peut-être ce qui leur a nui. L’intérêt qui s’attachait à leurs candidatures était plus vif chez tel gouvernement que chez tel autre, et il s’était manifesté quelquefois d’une manière indiscrète. Ces patronages devaient être plus nuisibles qu’utiles à ceux qui en ont été l’objet.

Aujourd’hui que l’œuvre du Conclave est terminée, on peut, en apprécier l’esprit. Le Conclave n’a voulu se prononcer pour aucune politique déterminée. Il a cru qu’il y aurait de sa part imprudence à engager, pour une longue suite d’années peut-être, les destinées de l’Église dans une voie tracée d’avance, et qu’il suffisait de choisir un pontife homme de sens, d’expérience et de modération, en lui laissant le soin d’agir d’après les circonstances. Avouons-le, le Conclave n’avait aucune raison de procurer en ce moment un succès à la politique française. Si, au contraire, il avait élu un des candidats qui passaient, à tort ou à raison, pour être soutenus par les puissances germaniques, on s’en serait réjoui à Berlin et à Vienne, mais non pas à Paris. Il n’y a eu, en réalité, ni victoire ni défaite pour personne. Le Conclave a élu un candidat neutre, un prêtre qui ne s’était jamais