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I. — État et dispositions du protestantisme français de 1629 à 1636.

Car, d’abord, pouvait-on croire sérieusement, après 1629, que le protestantisme, dépouillé de toute force politique, méritât les craintes, encourût les griefs que peut invoquer parfois un zèle intransigeant pour continuer, malgré les pouvoirs publics, contre un adversaire ménagé à tort, une lutte trop tôt interrompue ? Pouvait-on sérieusement estimer que les églises calvinistes, au moment où la Compagnie du Saint-Sacrement commença de les harceler, fussent encore, en France, pour l’Église catholique l’ennemi formidable qu’autrefois, — peut-être, — elles avaient été ; peut-être, car je ne voudrais point affirmer, que même en sa nouveauté séduisante, même dans son âge « d’assaut et d’irruption, » la Réforme ait mordu beaucoup sur l’âme française ?

Il est très sûr que l’Édit de Nantes, puis la prise de la Rochelle, puis la guerre terminée en 1629 par la paix d’Alais et l’édit de Nîmes, avaient marqué pour le protestantisme français les étapes d’un affaiblissement progressif. Sa dissolution en tant que parti politique avait été accompagnée, — et c’était fatal, — d’une décadence en tant qu’association religieuse[1]. Comme il arrive toujours, « à une période de surexcitation succédait un affaissement moral. » Henri IV avait déjà pu triompher avec quelque ironie de ce résultat de sa politique[2]. Sous Louis XIII, après les défaites réitérées des Grands, les défections recommencèrent, et, ce semble, assez nombreuses, parmi la noblesse réformée[3]. Pendant la guerre de 1627, bien des apostasies montrèrent que, comme l’écrivait un gentilhomme protestant[4], agent secret de Richelieu, « le métier de huguenot ne valait plus rien » pour les gens avisés. D’autre part, depuis 1611 jusqu’en 1634, une série presque ininterrompue de missions,

  1. Beaucoup d’historiens l’ont constatée : citons seulement Ranke et Lièvre, Histoire des Protestans du Poitou.
  2. Lettre de 1605 au pape Paul V dans Lacombe, Henri IV, et sa politique, p. 34.
  3. « Pour la noblesse, depuis quinze ans, dit un pamphlet de 1621 (Manifeste anglais aux Réformés de France), il y en a plus de 10 000 qui ont quitté votre créance. »
  4. Bulletin historique de la Société du protestantisme français, t. XXX, p. 256. Cf. Bazin, Louis XIII, 2e édit., t. II, p. 85 ; Fagniez, Le Père Joseph et Richelieu, t. I, p. 428-429 ; N. Weiss, article France protestante, dans l’Encyclopédie Lichtenberger, p. 172.