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les Assemblées du Clergé, c’était d’affecter, sur leurs fonds, des pensions aux ministres protestans convertis[1]. — Que cette indifférence n’impliquât pas le changement des cœurs, j’en conviens. Que, chez un certain nombre de prêtres catholiques, les rancunes persistassent, là surtout où, comme dans le Midi, l’Église ancienne voyait sa concurrente durer malgré ces revers, d’accord. Mais il n’en paraît pas moins que le clergé français séculier, livré à ses seules inspirations, n’eût pas donné sous Louis XIII le signal de l’intolérance pratique et organisée. Soit que le haut clergé, recruté dans la société cultivée, retînt un peu de son indulgence éclairée, soit que le clergé inférieur s’assoupît de plus en plus dans la torpeur de la possession heureuse, ce n’est pas de là, semble-t-il, que serait spontanément venue l’initiative d’une entreprise systématique et acharnée pour détruire le régime institué par l’Edit de Nantes.

Venons enfin au gouvernement.

Il ne convient pas davantage de dénaturer et d’embellir les raisons vraies de sa mansuétude relative. Parmi les paroles de Richelieu relative aux protestans que l’on vante d’ordinaire, il en est que nous gâtent des restrictions fâcheuses : parfois[2], on dirait qu’il désapprouve la guerre de chicanes que certains de ses fonctionnaires lui suggèrent, moins comme injuste ou pernicieuse que comme maladroite et prématurée. Toutefois d’autres déclarations de lui, datant de l’époque que nous étudions, sont, dans le sens de la tolérance, très pures et très formelles. « A présent que, par la grâce de Dieu, la paix est si bien établie sur tout le royaume..., je vous assure que la véritable intention du Roi est de faire vivre paisiblement sous l’observation des Edits tous ses sujets et que ceux qui ont l’autorité dans les provinces lui feront service de s’y conformer[3]. » Si, d’autre part, il est certain que son ambition des grandes choses conçut d’elle-même ou accepta d’autrui l’idée de réconcilier en masse à la foi de l’Église les dissidens qu’il avait fait rentrer dans le droit commun de l’État, il n’est pas moins vrai qu’il ne songeait pas à « les y amener par la force. » Il l’avait dit dès 1616 ; il le répète en 1629 et en 1631 : « C’est un ouvrage où nulle violence ne doit être apportée. » Et quand, après 1629, il se décide non plus

  1. Voyez Cans (Bulletin du Protestantisme français, 1. Il , p. 234).
  2. Lettre du 6 août 1630 à Michel de Marillac.
  3. Lettre du 20 mai 1635 au comte de Sault, lieutenant du Roi en Dauphiné.