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seulement, à « attendre » platoniquement « du ciel, » mais à préparer cette réconciliation[1], nous savons à présent[2] de façon certaine quels moyens il se proposait ou même il commença d’employer. Moyens machiavéliques, c’est incontestable, et d’un réalisme grossier, mais point illégaux ni violens, ni même proprement injustes ou intolérans. Amoindrir la puissance absolue des synodes, lien de l’unité protestante ; attirer les pasteurs, par l’« appel comme d’abus » en même temps que par l’argent et les faveurs, sous la dépendance directe de la Cour ; voilà ce qui suffisait, selon lui, sans qu’il fût nécessaire de toucher aux Edits, ni même, par une interprétation pharisaïque de ces Edits, de « retrancher les grâces accordées[3]. »

A ces vues, dont l’essentiel était, on le voit, exprimé dans des écrits officiels, et connu, par conséquent, des hommes politiques, à l’époque où la Compagnie du Saint-Sacrement s’organisa, on ne saurait évidemment prétendre que les actes des pouvoirs publics correspondissent tous, ceux surtout des autorités judiciaires et administratives les plus élevées d’alors, les Parlemens.

Mais, d’abord, il serait inexact d’imputer au pouvoir royal, — dans un temps où ses intentions et même ses ordres n’étaient pas encore, partout et toujours, exécutés fidèlement, — tout ce que fit contre les protestans la magistrature parlementaire, soit à Paris, soit principalement en province. Les cours souveraines, on ne saurait le nier, obéirent, maintes fois, tant à ces animosités locales dont j’ai parlé, qu’à cet esprit de « monarchisme » exclusif, à cette passion d’unité nationale qui, dès 1560, les avait rendues rebelles aux larges idées de L’Hôpital, et leur représentaient le protestantisme comme une sorte de schisme de la patrie. Encore est-il que, toutes les fois que des Parlemens suivent, bon gré mal gré, les impulsions pacificatrices de Richelieu ou de ses agens (à Rouen, par exemple, celle du duc de Longueville), ils repoussent et empêchent les « chicaneries » séditieuses des controversistes, exhortent les partis « à vivre paisiblement ensemble, en amis et bons citoyens[4], » et lâchent, par

  1. Avenel, Papiers d’État de Richelieu, I, 225, III, 260, 304 ; Bulletin de la Société du Protestantisme français, t. XI, p. 31-35.
  2. Maximes d’État et fragmens politiques du cardinal de Richelieu, publiés par G. Hanotaux, n° 138 ; G. Fagniez, Mémoire du pasteur Codurc, agent secret aux gages de Richelieu, dans le Bulletin du Protestantisme français, t. XXXIX.
  3. Lettre indiquée ci-dessus au comte de Sault.
  4. G. Picot, ouvrage cité, t. II, p 25 ; Baird, ouvrage cité, t. I, p. 353-356.