Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur ville. Sur quoi M. le Chancelier fut supplié de faire ordonner à toutes les Facultés de médecine du royaume de n’en plus admettre aucun, comme aussi aux communautés des apothicaires et des chirurgiens ; et, depuis ce temps-là, on a été plus exact à faire mettre la clause de la religion catholique dans toutes les lettres de maîtrise et d’office, tant chez le Roi que chez Monsieur[1]. » Mais ce n’est pas seulement des maisons des princes que l’on écarte les huguenots. On empêche un conseiller huguenot de présider au Présidial de Caen, un huguenot de devenir échevin à Nantes ; on travaille, à Metz, à ce « qu’il n’y ait pas tant d’officiers hérétiques dans les compagnies des bourgeois ; » on y réussit tout de suite pour « les petits offices de la ville de Paris. » On manœuvre à la Rochelle pour que ce ne soient pas les huguenots qui, quoiqu’ils aient, de beaucoup, la majorité, établissent l’assiette « des tailles. » On n’oublie pas les ouvriers, surtout « des arts et métiers » de la Rochelle ; on en exclut les jeunes apprentis originaires de la ville. Pour empêcher, à Amiens, « l’établissement de plusieurs maîtres artisans de la R. P. R., on sollicite, » en 1659, « des ordres de la Cour, » à l’effet d’insérer dans toutes les lettres de maîtrise la condition de catholicisme. On s’occupe fort des lingères, parce que c’est la seule corporation en France où il y ait des maîtrises de femmes ; on parvient à empêcher une huguenote d’être reçue maîtresse, « bien qu’il y eût des lettres » du Roi en sa faveur ; et, une autre fois, on va, pour se défaire de candidates qui résistent et qui plaident, jusqu’à leur « rembourser les frais qu’elles avaient faits. » Plus tard, on sera plus ambitieux : — c’est des Compagnies de commerce que l’on écartera les protestans ; — et plus exigeant : — c’est un nouveau converti, à qui, en cette même année 1663, on fera refuser « une charge de la bouche du Roi. » — Et, comme il n’y a point de petites choses, comme il ne faut pas que les hérétiques aient des honneurs plus que des emplois, on sollicite, à Rouen (1648), M. et Mme de Longueville de ne pas recevoir les députations des huguenots : « ces hérétiques n’ont point le droit de députer. » De même, on tâchera d’empêcher (1660) que les sages-femmes protestantes « n’entrent dans les églises pour porter les enfans au baptême. »

Quant à la propagande et à l’extension protestante, la Compagnie

  1. D’Argenson, p. 34 (1637. Cf. à l’année 1655).