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s’y oppose en toutes choses. Elle fait supprimer les livres de controverse (1632, 1639), et elle soutient les mères de famille qui ne veulent pas que leurs filles épousent un calviniste (1648). Elle entrave de toutes ses forces la fondation, non seulement d’un collège latin protestant à la Rochelle (1645) ou à Pavilly-en-Normandie (1653), mais même d’une « académie » d’exercices et sports militaires dans le faubourg Saint-Germain (1638), et, ne l’ayant pu, elle contrecarre du moins « les prédications à sa mode » qu’un sieur L’Escuyer y voulait faire. Elle s’inquiète de ce que « des personnes de la R. P. R. prennent de jeunes pensionnaires (1659). » Mais surtout elle suscite mille obstacles à la bienfaisance protestante. Elle ne supporte pas que les hérétiques aillent voir « des prisonniers de leur religion, » de crainte qu’ils ne pervertissent les autres. Et elle ne supporte pas davantage qu’ils aient à eux des hôpitaux. En 1653, en 1635, elle en pourchasse un du faubourg Saint-Germain, et en fait porter les lits à l’Hôtel-Dieu.

Dans cette entreprise de vexations contre la vie spirituelle et même matérielle des réformés, la Compagnie joue de ses armes ordinaires. A découvrir les délits, vrais ou faux, des hétérodoxes, elle consacre l’« espionnage patient[1] » de sa police ; à les faire châtier, les démarches dissimulées de ses amis plus ou moins déguisés. Non contente de « dresser, par le moyen de ses sûres correspondances dans les provinces, » les mémoires de dénonciation dont je parlerai plus loin, elle a soin de mettre à la disposition des autorités locales ou des « commissaires » du gouvernement envoyés en province, des confrères qui les accompagnent, les renseignent, les guident[2]. Rien ne lui échappe : ni les manquemens de respect au Saint-Sacrement dans les rues des grandes villes, ni quelques irrévérences commises dans une église de campagne en Saintonge par des demoiselles huguenotes. Elle fait poursuivre les catholiques apostats (1658). Elle affecte de voir une contravention, et dénonce comme telle (1645) aux juges de Poitiers, l’habitude que prennent les réformés de porter secrètement la Cène à leurs malades. Et, une fois les instances intentées, les procès engagés, elle se multiplie pour que tout procès aboutisse à une condamnation. Par précaution, elle arrache aux Chambres de l’Édit et fait évoquer à Paris le plus

  1. Allier, p. 292.
  2. Allier, p. 319 (d’après les procès-verbaux de Grenoble),