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nourrit l’homme, si le vin l’abreuve, l’huile sert à réjouir sa face, à la parfumer, rôle non moins noble et, aux yeux des Juifs, tout aussi important. Les Grecs, eux, ne pouvaient prendre part au moindre exercice de gymnase sans se frotter d’huile, pratique que ne négligeaient pas non plus les Romains au sortir du bain.

Le feuillage argenté de l’olivier reluit le long des côtes de presque toute la Méditerranée, et l’arbre, par sa seule présence, caractérise un climat tempéré non sans chaleur, doux en hiver, souvent variable en toute saison et relativement sec : le climat de l’Espagne, moins les provinces basques et la Galice ; de l’Italie, moins le Piémont et le Milanais ; de la péninsule des Balkans, moins sa partie centrale ; des côtes de l’Asie Mineure, de la Palestine, de la Crimée, de presque toute la zone barbaresque.

La France ne possède d’oliviers que dans un territoire assez resserré dont la délimitation a occupé plus d’un botaniste, plus d’un agronome, plus d’un météorologiste. Supposons un voyageur débarquant à Marseille et se dirigeant vers l’intérieur de la France, en observant à travers la portière de son wagon les modifications de la culture des champs ; s’il s’attache à suivre l’olivier, il le perdra de vue : en allant à Toulouse, avant Carcassonne ; en montant à Clermont, aux approches de la Grand’Combe ; en se tournant vers Lyon, un peu en deçà de Montélimar ; en s’élevant vers Grenoble, aux alentours de Sisteron. En revanche, l’olivier ne cesse de border les voies littorales Marseille-Vintimille et Marseille-Cerbère.

Si on essaie de comparer cette limite culturale avec d’autres frontières végétales, on voit surgir de curieuses anomalies. A l’ouest du Rhône, dans la direction des Corbières, l’olivier refuse de se maintenir au delà de 300 ou 400 mètres d’altitude, et, plus accommodant, le chêne vert spontané déborde en dehors du domaine de l’olivier. Au pied des Basses-Alpes, les deux rôles mutuels s’intervertissent. Déjà, dans les Baronnies, — arrondissement de Nyons, — l’olivier, enfoncé à plus de 150 kilomètres des côtes, grimpe à 500 ou 600 mètres. Dans le recoin montagneux du Var où nous écrivons ces lignes, vignobles et olivettes s’évanouissent en même temps lorsqu’on remonte les vallées qui serpentent entre les chaînons que nous avons sous les yeux. Dans les Alpes-Maritimes, on a cité des récoltes d’huile provenant d’olives cueillies à plus de 1 000 mètres d’altitude.