de réactif propre à distinguer les deux produits, la tentation pour les fraudeurs est trop forte ; ils déclament contre l’huile de pavot, mais ils en achètent secrètement à vil prix, et en sont quittes pour vendre assez cher un mélange d’huile d’olive à goût très accentué avec de l’huile de pavot à saveur douce.
En 1735, défense, par ordre du Châtelet, de vendre de l’huile d’œillette, même sous son vrai nom, sans l’avoir « gâtée » par de l’essence de térébenthine ; l’interdiction est renouvelée en 1742 et en 1754, par lettres patentes enregistrées au Parlement. Ce corps judiciaire anathématise irrévocablement comme insalubre la nouvelle huile, malgré l’avis contraire des savans. Alors fixé à Paris, l’abbé Rozier se met en tête de réhabiliter l’œillette (1773). Ayant reconnu que l’huile de ses lampes provient exclusivement de la graine de l’œillette, il pousse le dévouement jusqu’à s’en servir pour sa cuisine et la fait consommer aux valets de sa métairie près de Paris. Personne n’est malade : Rozier se démène, consulte les maîtres-épiciers, confère avec les magistrats de police, et décide la Faculté à confirmer sa consultation de 1717. Le collège des médecins de Lille formule de son côté un avis semblable. Enfin Rozier a gain de cause, et on publie une nouvelle lettre patente, qui autorise dans tout le royaume la fabrication et la vente de l’huile de pavot.
Après les débats en Faculté, après les règlemens de police, l’idylle, toujours selon Rozier. Les noyers destinés à alimenter d’huile pour la table les nombreuses provinces dépourvues d’oliviers abondent surtout dans la région qui entoure Lyon et dans les terroirs compris entre la Basse-Loire et la Garonne. Comme étendue et comme valeur de produits bruts et de produits consommés, la culture de ces arbres dépasse de beaucoup en importance celle des oliviers du Midi et, par le fait, le peuple de la moitié du royaume ne connaît que l’huile de noix. Les noix sont gaulées, puis entassées, et il faut procéder à l’« émondage. » Sous la surveillance des parens, la jeunesse s’occupe à ce travail durant les longues soirées d’hiver : on chante, on rit, les conteurs rustiques narrent des histoires. Tout le monde est heureux, surtout lorsqu’une fille, par mégarde, oublie de détacher un fragment de coquille de la chair du fruit, car alors le garçon témoin de la faute s’adjuge le droit de l’embrasser, dans le seul intérêt de la bonne exécution du travail.