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et par les compagnies de navigation, qui doivent employer pour le graissage de certains organes délicats de leurs machines l’huile à bouche la plus pure. De là un gain des plus importans au bénéfice des agriculteurs du Protectorat.

Naturellement la vaseline, produit concret de la rectification des pétroles, intervient souvent pour allonger une huile, et dans certains cas les fraudeurs opèrent plus simplement encore, en introduisant sous l’huile du récipient vendu une certaine masse d’eau, que la sonde n’atteint pas toujours[1].

Comment retrouver l’huile d’arachide dans l’huile d’olive ? Par un procédé assez compliqué, hors de la portée d’un profane, mais irréfutable quand il a été pratiqué par un bon chimiste. L’huile d’arachide, comme il a été dit plus haut, contient, toujours mélangé à la glycérine, un acide de nature absolument caractéristique. Au delà de 5 pour 100, le quantum de matières grasses étrangères peut même s’évaluer sans difficulté.

Et le fraudeur ne saurait être plus heureux avec l’huile de sésame, car alors le premier venu peut constater ou soupçonner la tromperie. M. Camoin, pharmacien à Marseille, recommandait de verser dans un verre de l’acide chlorhydrique pur (liquide incolore ayant l’aspect de l’eau), de sucrer légèrement ce réactif, d’ajouter l’huile suspecte, d’agiter le mélange avec une baguette et de laisser reposer ; un nuage rouge cerise ou rose, suivant la proportion de sésame, se formait alors à la surface de séparation de l’acide et de l’huile impure. Plus tard on a reconnu que certaines huiles d’olives de Tunisie, traitées à l’acide sucré, donnent aussi la teinte rose. Au laboratoire de la rue Sainte, le directeur emploie l’ancienne méthode, mais perfectionnée et un peu compliquée ; il n’y a plus d’équivoque possible, et une huile loyale évite tout soupçon de fraude.

L’huile de sésame, — pas celle destinée à la cuisine, mais celle vendue à l’industrie, — reçoit elle-même de l’huile de ricin. Quelques gouttes d’acide sulfurique pur et une goutte d’acide azotique sont ajoutées dans un tube à essai à 10 centimètres cubes

  1. On prétend que les paysannes du canton d’Istres, à l’est de la Crau, s’avisaient autrefois, quand leur mari leur refusait de l’argent pour leur toilette, de dérober de l’huile dans les vastes jarres où se conservait la récolte de la ferme. Après avoir vendu en cachette l’huile et employé le prix, elles dissimulaient leur vol en rétablissant le niveau avec de l’eau. Le mari ne s’apercevait de rien jusqu’au jour de la vente en bloc, et on devine comment alors se terminait l’explication.