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ou, si l’on préfère, l’avantage de réclamer en outre l’assistance transitoire d’un très nombreux personnel d’ouvriers agricoles, et précisément à des époques de chômage pour d’autres travaux des champs. Il fallait procéder aux binages au printemps, aux sciage et battage en été, à l’arrachage et au repiquage en automne[1].

Jusqu’en 1862, des droits existaient sur les graines oléifères exotiques ; ils variaient d’ailleurs, suivant la nature des graines et suivant la nationalité du navire importateur, de 4 francs à 16 francs les 100 kilogrammes. En 1862, le droit est abaissé au tarif uniforme de 2 fr. 50 et même aboli en faveur des chargemens de vaisseaux français. En 1869, plus d’exception, et entrée en franchise.

Les cultivateurs du Nord ne cessent depuis trente ans de réclamer le retour à l’ancienne protection ; ils protestent non seulement contre l’invasion des graines étrangères, mais contre celle de l’huile elle-même. Quoique les huiles de colza, moutarde, œillette, pavot et navette paient actuellement 12 francs pour pénétrer en France, il convient suivant eux de porter ce droit à 18 francs pour défendre nos huiles indigènes similaires et de frapper d’une taxe de 12 francs les huiles de lin, ravison, niger, coton, sésame et arachide ; quant aux graines brutes, elles subiraient un droit d’entrée proportionnel à leur teneur moyenne en huile calculée d’après des tableaux annexés au rapport.

Un député de la Seine-Inférieure, l’honorable M. Suchetet, mène la campagne protectionniste. Il fait valoir dans ses considérans l’énorme diminution de la culture du colza, diminution qui, d’après lui, se chiffrerait par une superficie de 200 000 hectares éliminés et au delà. Ce déficit se répercute sur la main-d’œuvre rurale de moins en moins demandée, de sorte que les travailleurs des campagnes, ne trouvant plus à s’employer sur les plantations de colza, émigrent vers les villes ; de leur côté, les propriétaires ou fermiers transforment alors leurs champs en herbages, qui leur rapportent encore un faible revenu, mais n’exigent presque pas de travaux. Il n’en serait pas ainsi avec la betterave sucrière, avec la pomme de terre ; mais la première culture a peu d’avenir, et la seconde, tous débours comptés,

  1. M. Suchetet, dans son rapport à la Chambre, évalue cette main-d’œuvre à un total de 125 francs par hectare. Une terre ayant porté du colza pouvait être ensuite cultivée en céréales dans de bonnes conditions.