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ne rapporte presque rien. Il convient aussi de sauver les petites huileries intérieures, de plus en plus compromises par la rareté croissante des graines indigènes oléifères. Toujours suivant le rapporteur, les oléiculteurs du Midi, nos propres colons dans nos domaines d’outre-mer, les fabricans de saindoux eux-mêmes, marcheraient la main dans la main avec les cultivateurs normands. D’ailleurs, tous les pays étrangers, affirme M. Suchetet, frappent de droits plus ou moins lourds les graines à huiles ou les huiles pénétrant chez eux.

A l’autre bout de la France, les huiliers marseillais[1], que gêne la concurrence des huiles de coton, bonnes à tout usage puisqu’elles sont parfaitement neutres de goût, acceptent très bien un droit sur cette matière, dût même la savonnerie du Midi en souffrir un peu ; mais, à tous autres égards, ils protestent énergiquement contre les conclusions du rapport, contre les tendances des 130 députés qui y ont adhéré, et cela par l’organe de M. E. Rocca, le président de leur syndicat. Ils font valoir l’intérêt de notre marine marchande, à laquelle ils distribuent annuellement 35 millions, celui de la main-d’œuvre employée dans les huileries et industries annexes (28 millions) ; ils affirment que, le prix des tourteaux venant à s’élever, l’agriculture reperdrait une bonne partie du bénéfice espéré, d’autant plus que par tout on emploie les tourteaux, dont la consommation atteint 400 millions de kilogrammes, au lieu que le colza ne se développe bien que dans une région limitée, qui fournit 40 millions de kilogrammes d’huile seulement (1901). En ne tenant pas compte de la période exceptionnellement heureuse pour la vente des récoltes qui coïncida avec la guerre de Crimée, les cours de l’huile de colza flottaient en moyenne autour de 105 à 107 francs le quintal métrique pendant l’Empire ; en 1880, la cote n’était plus que de 80 francs ; elle ne dépasse guère 60 francs à présent. Que pourra faire un droit protecteur de 10 ou 12 francs ? A la rigueur, mieux vaudrait adjuger une prime aux cultivateurs

Nous sommes forcés, malgré leur intérêt, d’abréger ou de supprimer non pas de simples détails, mais des argumens sérieux de part et d’autre. Un dernier motif, et nos lecteurs concluront. Bien vives sont à l’heure actuelle les souffrances de l’agriculture.

  1. Ils sont secondés du reste par leurs collègues fabricans d’huile établis dans les autres ports de commerce français.