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Capitaine Fantôme[1]. César de Chabaneil n’a pas vingt ans, revient de l’émigration, et se présente à Soult.

— « Je suis le comte de Chabaneil.

— « Au diable les comtes !

— « Je sais l’anglais sur le bout du doigt, l’allemand aussi et encore l’espagnol.

— « Cela vaut déjà mieux... Et que voulez-vous, citoyen comte ?

— « Je veux entrer dans vos grenadiers à cheval.

— « Votre âge ?

— « Je serai majeur dès que j’aurai mon fusil.

— « Peste ! Vous savez aussi le français, monsieur le comte :... Et d’où venez-vous ?

— « D’émigration.

— « Mauvaise école !

— « Général, les opinions viennent avec la barbe... Pour le présent, je prie le Dieu d’autrefois, le nouvel Être Suprême, ou toute autre Divinité qu’il vous plaira de mettre au ciel, de me donner une petite place parmi ceux qui servent la France... »

Et César de Chabaneil devient le Capitaine Fantôme, le plus prodigieux cavalier de la grande armée. Même après sa mort, les soldats ne le croient que disparu, et se figurent le voir revenir encore dans la bataille, galopant et chargeant l’ennemi.

D’autres scènes nous montrent le soldat loustic, le sergent cocardier, le colonel paternel et dur, l’officier duelliste, mais tous, même le duelliste, même le loustic, sont toujours de braves et grands cœurs... Nous sommes en 1809, en Espagne, au camp anglais, où un régiment d’Écossais vient de ramener des prisonniers français. Les Écossais sont de beaux hommes, de riche santé, de haute stature, dans des costumes magnifiques, et suivis, partout où ils vont, d’un corps de cuisiniers chargés de dresser les tables et d’embrocher les pièces de viande, aussitôt la bataille finie. Les Français, eux, sont petits, presque tous très jeunes, et déjà hâlés par le soleil d’Espagne, amaigris, dépenaillés, tout couverts de poussière. Ils se sont battus cinquante contre cinq cents, quelques-uns ont le front dans des bandeaux sanglans, et il y a là un vieux sergent nommé Morin, le caporal Toulousain, le caporal Pont-Neuf, un nommé Gandouin dit l’Aimable-Auguste,

  1. Le Capitaine Fantôme, par Paul Féval.