Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle vous parlerait de son oncle ou de son grand-père. Elle n’en est pas moins l’honnêteté, le cœur, la fidélité, l’ordre, l’économie, le travail, et même aussi, je crois bien, la vertu en personne !

Ponson du Terrail, lui non plus, ne manque pas de faire des ouvrières adorables et des ouvriers exquis. Cerise est « si gentille » que tous les jeunes gens, quand elle passe, murmurent sur le seuil de leur magasin : « Oh ! la jolie fille ! Celui qu’elle aime doit être bien heureux[1] ! » Mais Cerise n’entend pas « les propos galans, » ne songe qu’à « son cher Léon, » et, pudiquement, arrive à son magasin. Alors, sa patronne, à son tour, s’écrie en la voyant entrer : « Ah ! voici Cerise, ma meilleure ouvrière ! » Et tous les employés sont amoureux d’elle. Le caissier lui-même en perd la tête, ne sait plus ce qu’il fait, et s’embrouille dans ses comptes. Mais Cerise ne pense toujours qu’au « cher Léon, » et le « cher Léon, » bon, beau, loyal, candide, et « d’une force herculéenne, » est le modèle des ébénistes. Enfin, Léon et Cerise ont un ami, Guignon, et Guignon est une troisième perfection. Il a le « regard intelligent et gai, » la « lèvre souriante et bonne. » Toujours malheureux en tout, il n’en est que meilleur pour tout le monde. Guignon est le modèle des peintres en bâtiment !

Travailleurs, courageux, tendres, gais, modestes, sans rancune, sans envie, quels admirables ouvriers ! Et, cependant, ceux du Juif Errant les dépassent encore. Là, à la condition d’être « républicain » et « d’avoir fait le coup de feu en juillet, » le peuple est le résumé vivant de toutes les saintetés, de tous les génies, de toutes les sublimités. Le maréchal Simon, duc de Ligny, est fils d’un ouvrier, et s’écrie lyriquement, en parlant de son père, resté volontairement ouvrier, quoiqu’il ait un fils maréchal de France et duc de l’Empire : « Excellent père :... Toujours ouvrier, et s’en glorifiant ! Toujours fidèle à ses austères idées républicaines ! « Également ouvrier et républicain, Agricol Baudoin, le fils de Dagobert, est « grand, alerte, robuste, aussi intelligent que laborieux. » Il « manie comme une plume son lourd marteau de forgeron, » et compose, « son rude travail fini, » des chansons et des vers patriotiques, tout « remplis d’énergie et d’élévation. » Il « échauffe les âmes, » il « entraîne

  1. Les Drames de Paris.