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même, il signe le traité d’alliance avec le Wurtemberg, qui fournira de 8 à 10 000 hommes. Quelques jours après, le traité avec la Bavière est ratifié, et procure 20 000 auxiliaires bavarois. Mais, par contre-coup, Napoléon décide les Prussiens à se déclarer contre lui.


IV

Le 6 octobre, Frédéric-Guillaume, assisté de Hardenberg, avait reçu à Potsdam, à dix heures du matin, Dolgorouki, porteur du message d’Alexandre du 29 septembre. Dolgorouki promit, au nom de son maître, de procurer un subside anglais de 1 250 000 livres par an, pour 100 000 hommes ; il demanda une médiation, d’abord, une alliance, ensuite, si la médiation échouait. Le roi demeura impassible ; rien ne put l’arracher « à son rêve chéri de neutralité. » « Retournez près de l’empereur votre maître, et faites-lui connaître mon inébranlable résolution, dit-il à Dolgorouki. Je serai contre quiconque rompra, par la violation de mon territoire, ma neutralité. » Hardenberg, qui s’était fait fort de la médiation, sinon de l’alliance, sortit de cette audience profondément déçu.

Il traversait les salles du palais, méditant une démission, lorsque, tout à coup, le roi le fit rappeler dans son cabinet. Une estafette venait d’arriver, apportant la nouvelle de l’entrée des Français à Anspach, le 3 octobre. Le roi lui dit : « Les choses ont changé de face ; allez de ce pas chez le prince Dolgorouki. Je le chargerai d’une lettre par laquelle j’annonce à l’empereur que je lui ouvre les frontières de mon royaume. » Il s’emporta d’abord, d’une colère d’homme faible qui se voit jugé à sa mesure, que le mépris, encore plus que l’insulte, jette hors de lui-même, et qui ne se reconnaît plus. Son premier mouvement fut d’envoyer sur l’heure des passeports à Duroc et à Laforest. Ce fut à Hardenberg de le retenir : l’armée n’était pas prête, les Russes n’étaient pas arrivés. Le roi se radoucit, s’enorgueillissant, au fond, que l’on eût, désormais, à le modérer. Napoléon forçait Frédéric-Guillaume à vouloir. Frédéric-Guillaume se décida, sans doute, sous l’affront, mais l’affront le poussa du côté où il penchait. La nouvelle de la violation du territoire se répandit dans Berlin, et l’opinion, du coup, se prononça. On se fit gloire de ne point imiter la conduite honteuse du Wurtemberg, de la