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possible en Allemagne, mais rien en Italie : « C’est ma maîtresse avec laquelle je veux coucher seul ! » Il parlait sur ce ton de belle humeur soldatesque ; un des interlocuteurs nomma la Prusse. Napoléon se rembrunit : « Si elle veut la guerre, j’ai assez de troupes pour lui tenir tête aussi. » Puis, il les renvoya à Talleyrand : « Mon intention est absolument d’avoir l’État de Venise et de le réunir au royaume d’Italie. » Sur ces entrefaites, il apprit que Haugwitz se présentait aux avant-postes ; il ordonna de le retenir à Iglau et de l’acheminer, le lendemain, sur Brück, Haugwitz y serait le 27 ; de cette façon, il ne se rencontrerait point avec les Autrichiens qui partaient le 26. Napoléon se réservait de le sonder lui-même et de le retourner. Durant ce temps, Talleyrand tirerait en longueur les protocoles avec Stadion et Giulay.

Enfin, il envoya, ce même jour, le 25, Savary auprès d’Alexandre, avec une lettre : « Je le charge d’exprimer à Votre Majesté toute mon estime pour elle et mon désir de trouver des occasions qui lui prouvent combien j’ambitionne son amitié.. Qu’elle me tienne comme un des hommes les plus désireux de lui être agréable. » C’était cette ouverture sur laquelle, un moment, Czartoryski avait spéculé. La manière dont Napoléon marquerait son désir « d’être agréable « serait l’insinuation du partage de la Turquie. Si Alexandre s’y laissait allécher et s’engageait dans la négociation, Napoléon la pousserait en toute hâte ; il tiendrait, cependant, l’Autriche en suspens, la forcerait à capituler, et, n’ayant plus à compter qu’avec la Prusse, il serait maître de l’acheter ou de la détruire, de la supprimer du nombre des États ou de l’assujettir. S’il avait réussi, il eût évité deux ans de guerre, car le plan qu’il concevait alors est celui qu’il a réalisé à Tilsitt ; en juillet 1807.


III

Haugwitz voyageait avec la lenteur qu’il s’était prescrite à lui-même, et tandis qu’il s’attardait aux relais, s’épargnait les fatigues, évitait les mauvaises rencontres, son roi, plus perplexe que jamais, s’embrouillait dans les mesures contradictoires, piétinait dans le sable. Le prestige et le Hanovre, le Hanovre surtout, c’est toujours à cet article qu’il en faut revenir pour se retrouver dans cette politique fuyante. La médiation, pour le