Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doit concilier les intérêts des contractans ; mais, pour concilier, il ne faut pas compliquer ce qui gagne toujours à être simple. » Stadion insinua, dans les propos, et répéta, non sans affectation, que les affaires de l’Autriche s’étaient améliorées. — « C’est, fit observer Talleyrand, une amélioration d’une espèce particulière que de voir les ministres d’Autriche implorer l’appui d’un ministre de Prusse I » On renvoya au lendemain pour commencer en règle. Talleyrand reçut un courrier de Laforest annonçant l’arrivée à Berlin de lord Harrowby ; mais Laforest ne croyait pas le roi de Prusse engagé avec les alliés. Enfin, Haugwitz était en route, et Talleyrand demanda à l’empereur ce qu’il fallait en faire : le garder à Vienne, ou l’envoyer à Brünn ?

Napoléon répondit, le 22 : « Entamer la question avec lui et chercher à savoir ce qu’il veut ; » tâcher surtout de pénétrer s’il a été signé quelque chose le 3 novembre, comme le bruit en court, « une convention pareille, en tout, au partage de la Pologne ; mais la France n’est pas la Pologne. » Cependant, « si les trois puissances qui ont partagé la Pologne arment contre moi, qu’y puis-je faire ? Quelle garantie aurais-je qu’une première condescendance ne m’obligera pas à une seconde ? » Le traité, qu’il soupçonnait, avait précisément pour objet de lui arracher cette « première condescendance » et de l’obliger ensuite à toutes les autres, jusques et y compris le retour aux anciennes limites et l’abdication. Le lendemain, à propos des lettres insignifiantes qu’il échangeait avec François II : « Cobenzl, qui les fait, croyait me duper, mais il n’y réussit pas. Il paraît qu’ils continuent à se jeter dans les bras des Russes. Les Parques filent la vie des hommes ; les destins ont assigné à chaque État leur durée. Une aveugle fatalité pousse la maison d’Autriche. » Et il prescrit à Talleyrand, en vue du traité et des contributions de guerre, d’étudier le système de la banque et des finances de cette monarchie.

Au lieu d’ouvrir le protocole à Vienne, ainsi que les y conviait Talleyrand, Stadion et Giulay retournèrent à Olmütz prendre les ordres de leur maître. Le 24, ils se présentèrent à Brünn et, le 25, au matin, Napoléon manda près de lui Giulay. Il le reçut une seconde fois, avec Stadion, et il leur fit connaître ses conditions : cession de la Vénétie à la France, de Salzbourg à la Bavière, indépendance du Tyrol. Dans sa conversation avec Giulay, il fit entendre qu’une compensation pour l’Autriche serait