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du golfe, profita de la faiblesse et des embarras du chah pour refuser de reconnaître son autorité et se plaça sous la souveraineté du sultan arabe du Nedjed. Il ne resta plus alors à la Perse que la faible étendue de côtes comprise entre la pointe du Nabend et l’embouchure du Chatt-el-Arab. Encore quelques années plus tard faillit-elle la perdre et fut-elle sur le point de se voir privée de tout accès à la mer. En 1857, le chah et l’émir d’Afghanistan étaient en lutte pour la possession d’Hérat, et les troupes persanes assiégeaient la ville que défendaient les troupes de l’émir appuyé par le gouvernement anglo-indien. Pour opérer une diversion, la flotte britannique vint faire une démonstration dans le golfe Persique et attaquer la partie du littoral dépendant encore de la Perse. La ville de Mohammerah, sur le fleuve Karoun, fut bombardée, l’île de Kharag occupée ; un corps de troupes anglo-indiennes débarqua dans la presqu’île de Réchire et s’empara de Bender Bouchire. À ce moment, il eût été possible à l’Angleterre de porter les dépendances de l’Inde de la rivière Dacht à l’Euphrate et de clore ainsi à son profit la question du golfe Persique. La Russie, qui sortait affaiblie de la guerre de Crimée et qui entendait pratiquer une politique de recueillement, ne se fût pas jetée sans doute dans une nouvelle aventure pour empêcher l’occupation permanente de Bouchire. Cependant le Foreign-Office, craignant que l’occupation du littoral persique ne fût onéreuse pour les finances de l’Inde et ne devînt par la suite une source de complications, ne le fit point et, à la paix, restitua à la Perse les îles du golfe ainsi que Mohammerah et Bouchire. Ici encore nous devons relever dans l’histoire coloniale de l’Angieterre au XIXe siècle une nouvelle application des doctrines de l’Ecole de Manchester, hostile à toute extension coloniale considérée comme pouvant causer plus d’ennuis que rapporter de profits.

L’occasion perdue ne s’est plus retrouvée depuis, et même à partir de cette époque, des modifications territoriales se sont produites sur la côte orientale du golfe Persique, lesquelles ont été plutôt défavorables aux intérêts anglais. En effet, la partie de cette côte qui obéissait à son fidèle allié le sultan de Mascate et qu’on pouvait à ce titre considérer comme entrée en quelque sorte dans la sphère d’influence anglaise, a depuis 1857 changé de maître. Sous la domination de l’Oman, cet ancien territoire persan était parvenu à un haut degré de prospérité. Grâce à la