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250 kilomètres de son embouchure est la vraie voie commerciale de la Perse, la route de l’avenir, et celle que suit dès maintenant le courant du trafic pour pénétrer au cœur de l’Iran. Ce trafic est actuellement presque tout entier dans les mains des Anglais qui, après avoir fait ouvrir au commerce international cette voie commode et sûre, restent à peu près les seuls à l’utiliser.

Aussi bien le pavillon britannique a presque monopolisé à son profit le mouvement commercial dans le golfe Persique et dans la mer d’Oman. Entre le détroit d’Ormuz et l’embouchure du Chatt-el-Arab, quarante navires contre un battent pavillon britannique. En 1900, sur un total de 2 873 000 livres sterling représentant la valeur des importations du golfe Persique, 366 000 livres seulement représentaient la part des autres pays. La part de l’Allemagne ne s’est élevée qu’à 23 000 livres, celle de la Russie qu’à 572 livres sterling, d’après les rapports du consul anglais. La proportion est à peu près la même pour le chiffre des exportations qui se sont élevées à 2 087 000 livres sterling et qui ont eu pour destination surtout Londres et Bombay. Une ligne de navigation, la British India Company, met en communication Bombay et les principales escales du golfe, qu’elle dessert toutes les semaines. En outre, deux fois par mois des cargoboats venant d’Angleterre, visitent Mascate, Bender-Abbas, Bouchire. Cinq agens politiques ayant leur résidence à Mascate, Kowéit, aux îles Bahréin, à Bouchire et depuis 1901 à Bender-Abbas, veillent aux intérêts anglais. Le plus élevé d’entre eux, ayant rang de consul général, est le résident de Bouchire ; au-dessous de lui, les quatre autres constituent comme un état-major. Le résident de Bouchire est considéré comme le véritable maître dans ces parages ; c’est « le roi du golfe Persique, » comme le nomment depuis vingt ans les riverains. Une flotte de trois avisos est à sa disposition et transmet ses ordres et ses instructions sur tous les points du littoral. A la moindre émotion, sur les côtes arabique et persane, leurs canons apparaissent. Une garde spéciale, tirée de l’armée des Indes, rehausse son prestige. Une garnison de cipayes de l’Inde occupe la ville de Djask à l’entrée du détroit d’Ormuz. Y a-t-il lieu de s’étonner si dans de telles conditions on a appelé le golfe Persique un lac anglais et si d’aucuns ont trouvé cette appellation justifiée autant du moins qu’on puisse considérer un golfe comme un lac ?