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russe dans la Perse ont éveillé les inquiétudes et les appréhensions anglaises sur le sort des futures voies de communication transpersanes. On s’est demandé si la bataille engagée par la Russie sur le terrain économique ne serait pas le prélude d’une annexion ou d’un protectorat officiel et la question s’est posée de savoir qui doit dominer en Perse et dans le golfe Persique, de l’Angleterre ou de la Russie. Quel est l’avenir de l’Iran ?

S’il fallait en croire un écrivain militaire renommé, le capitaine Mahan, la réponse à cette question ne saurait être douteuse et ce serait l’Angleterre, et l’Angleterre seule, qui devrait être appelée à dominer le plateau iranien et le rivage qui le baigne au midi. Se fondant sur l’œuvre de pénétration poursuivie depuis plusieurs générations par la Grande-Bretagne pour maintenir l’ordre dans le golfe Persique, le capitaine Mahan estime, dans une étude qui a reçu une approbation à peu près générale dans la presse de l’autre côté du détroit, que cette puissance n’a pas à partager avec une autre nation le bénéfice des efforts accomplis ; qu’elle doit décliner toute tentative ou toute offre faite en ce sens, non seulement parce que c’est son intérêt, mais encore parce que c’est son devoir à l’égard de l’empire britannique, et il invoque, comme raisons à l’appui de ce refus nécessaire, la sécurité de l’Inde qu’un changement sérieux dans la situation politique du golfe Persique affecterait à son détriment, ensuite la sécurité de la grande voie de communication qui conduit de l’Europe à l’Inde et qu’une escadre russe ayant pour point d’attache un port du golfe pourrait inquiéter et menacer, et enfin les intérêts économiques et commerciaux de l’empire indien. Donc, pas de concession dans le golfe Persique ; pas de condominium, pas d’arrangement qui puisse limiter dans aucune circonstance la suprématie britannique dans le voisinage de l’empire des Indes.

Mais il importe tout d’abord de faire remarquer que la thèse du capitaine Mahan, qui crée en quelque sorte une nouvelle doctrine de Monroë en faveur de la sphère d’influence anglaise dans le golfe Persique, et qui ne vise rien de moins que l’absorption de la Perse dans le domaine britannique, ne va pas sans porter atteinte à de multiples engagemens internationaux. Les déclarations de la Russie et de la Grande-Bretagne, portant que la Perse devait être maintenue comme État tampon indépendant, ont été renouvelées plusieurs fois depuis 1834 et notamment en