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diminution du commerce anglais persan est surtout sensible dans la Perse du Nord.

Tels sont les résultats réellement merveilleux qu’a procurés le changement de politique adopté par la Russie dans ses relations avec la Perse. Au lieu de menacer le pouvoir indigène comme jadis, elle l’enserre de ses offres et l’accable de ses services. Elle lui est utile. Elle trace à ce pays des routes, lui organise des régimens, lui installe des banques, lui offre des emprunts, lui plante des concessions, lui construit des quais et, ce faisant, elle a le triple avantage de rester pacifique, de paraître généreuse, de retirer de la paix plus de bénéfices que la guerre de mots et la guerre d’épées ne lui en sauraient donner ensemble. Cette nouvelle méthode appliquée par la Russie à la Perse a plus fait pour le commerce et le prestige russes en ces six dernières années que ne l’avaient fait depuis trois quarts de siècle tous les efforts d’une diplomatie appuyée sur la politique de force et de coercition.


III. — L’AVENIR DE L’IRAN

On comprend sans peine que les politiques anglais suivent avec une croissante préoccupation sur terre ferme comme dans les eaux du golfe Persique l’ombre grandissante projetée par les combinaisons des hommes d’action de Saint-Pétersbourg. Aux portes de l’Afghanistan qu’ils dominent, à la lisière du Béloutchistan qu’ils détiennent, dans le golfe où leur marine est maîtresse, à Koweït et à Bahréin qu’ils protègent, les maîtres de l’Hindoustan sont aux aguets, surveillent d’un œil inquiet l’horizon persan. Il ne saurait leur être indifférent que la vaste monarchie des Arsacides tombe sous la dépendance immédiate ou indirecte d’une grande puissance occidentale, et il est du plus haut, du plus palpitant intérêt pour eux de ne pas laisser attacher aux flancs de leur empire anglo-indien un aussi formidable avant-poste. Au centre de l’Asie, le plateau de l’Iran commande en effet les chemins qui relient entre elles les parties opposées de ce continent massif et dominent les communications terrestres de l’Inde avec l’Europe. La question capitale pour l’Angleterre est de disposer de ces voies de communication ou au moins d’avoir la haute main sur elles, tout autant que de rester maîtresse de l’Océan Indien. Les récens progrès de la pénétration