Le lendemain, Duroc reçut les dernières instructions de Napoléon et prit congé de Frédéric-Guillaume dans les termes qui lui étaient prescrits.
Alexandre aurait désiré une accession pure et simple de la Prusse au traité du 11 avril. Les Prussiens s’y refusèrent avec obstination. L’aventure d’Ulm leur donnait à réfléchir. Ils tenaient à leur médiation, qui leur procurerait le temps d’armer, et leur laisserait la faculté de n’intervenir qu’au bon moment, presque à coup sûr, après un échec des Français : ils décideraient alors de la défaite complète de Napoléon, se feraient les pacificateurs de l’Europe, les sauveurs de l’Allemagne. Si Napoléon continuait de l’emporter, ou s’il bâclait sa paix avec l’Autriche pour se rejeter sur les Russes et traiter avec eux, ils sauraient, par cette même médiation, déguisée et atténuée, se ménager une retraite habile, peut-être même fructueuse. Il fallut bien en passer par où ils voulaient : la médiation avec l’accession éventuelle à l’alliance, si la médiation était repoussée par Napoléon.
Dans ces termes mêmes, le traité ne laissait point d’être un ouvrage laborieux. Les diplomates conférèrent trois jours entiers et jusque dans la nuit. On convint, en principe, que la Prusse proposerait à Napoléon les conditions d’une paix générale, à savoir les conditions ostensibles du traité du 11 avril. On attendrait la réponse jusqu’au 15 décembre. La Prusse aurait alors 180 000 hommes sur pied, et, en cas de refus, très vraisemblable de la part de Napoléon, elle se joindrait aux alliés. Metternich essaya vainement de persuader les Prussiens d’exiger une réponse dans les quarante-huit heures. « Autrement, disait-il, Bonaparte nous mettra hors de jeu l’un après l’autre ; » il n’aura « qu’à traîner à sa suite l’envoyé prussien ; à avoir l’air de ne pas refuser d’entendre aux propositions, dans l’espoir que le parti pris de la Prusse mollirait à mesure que le danger devrait être plus directement combattu par elle. » Sur quoi, les Prussiens de se récrier : — « Nous ne pouvons pas battre l’ennemi avant de l’avoir atteint ! » Puis vint l’éternelle affaire du Hanovre : la Prusse, qui redoutait un voisinage avec la France, offrait d’échanger contre cet électorat ses provinces westphaliennes, au delà du Weser ; l’Angleterre y gagnerait le port d’Emden, les côtes de la mer du Nord, des moyens d’agir plus directement sur la Hollande.
Les actes furent signés à Potsdam, dans l’appartement