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lui fut donnée en 1871. Mais les habitans de Koweït, composés en grande partie d’émigrans qui ont fui les exactions turques ou persanes, ont toujours protesté, au cours du dernier siècle, contre les velléités de suzeraineté émises par la Porte et répètent volontiers « qu’ils sont les habitans les plus libres de l’univers ; » leur cheïk prétend n’être soumis à aucun tribut, — ce qui en Orient est le signe effectif de la suzeraineté, — et ne voir dans le sultan comme tant d’autres princes et potentats musulmans que le Commandeur des Croyans, le chef spirituel de l’Islam. En se faisant l’allié et le client du gouvernement des Indes, il déclarait agir dans la plénitude de ses droits et n’avoir pas besoin d’aller prendre l’avis de Constantinople. Les relations de suzeraineté et de vassalité entre la Porte et la petite république étaient donc très vagues et imprécises, et le gouvernement des Indes paraissait, jusqu’en ces derniers temps, peu désireux de tirer cet état de choses au clair et de dissiper l’équivoque, quand des événemens tout récens sont venus remettre sur le tapis la question de la suzeraineté ottomane en même temps qu’établir les positions respectives de la Grande-Bretagne et de la Turquie à Koweït.

Jusqu’en ces derniers temps, la République de Koweït avait fait preuve de sagesse. Cet État avait, depuis sa fondation vers le milieu du XVIIIe siècle, évité avec soin de se lancer dans de grandes entreprises, que d’ailleurs ses ressources et ses moyens ne lui auraient pas permis de soutenir. Grâce à cette prudente réserve, il avait réussi à vivre entre ses trois puissans voisins, la Perse, la Turquie et le royaume wahabite du Nedjed, sans se laisser absorber par l’un d’eux. Mais le cheïk de Koweït, Moubarek, après être entré dans l’alliance de l’Angleterre, s’est senti de grandes ambitions et a osé s’attaquer, en 1901, au sultan du Nedjed, dont la domination, quoique aujourd’hui bien réduite, comprend encore une bonne partie de l’Arabie centrale. Ayant réuni autour de lui quelques chefs nedjéens mécontens, Moubarek, après avoir poussé une pointe audacieuse de 600 kilomètres dans l’intérieur, eut la satisfaction de voir El-Riad, ancienne capitale du Nedjed, lui ouvrir ses portes sans coup férir. Mais battu à Bréidat par le sultan du Nedjed, il perdit El-Riad et fut poursuivi jusque sous les murs de Koweït.

Ce fut alors que la situation changea de face et qu’un véritable coup de théâtre se produisit. L’« Homme malade, » comme