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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/376

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on se plaît à appeler le Turc, n’est pas encore moribond. On l’a bien vu lors de la guerre gréco-turque, et le sultan Abdul-Hamid, bien loin de laisser se détendre les liens qui rattachent les populations musulmanes à son empire, serait fort disposé au contraire à resserrer ces liens. L’existence de la République de Koweït était une gêne et un obstacle au maintien de l’influence turque sur le littoral du golfe Persique, au midi du Chatt-el-Arab. Si l’on jette les yeux sur une carte du golfe Persique, on voit, en effet, que le territoire de Koweït sépare la province turque de l’Hasa de la province de Bassora et, s’interposant entre ces deux provinces ottomanes, interrompt la continuité de la domination turque sur la côte occidentale d’Arabie. D’autre part, les avantages et les concessions accordés par le cheïk Moubarek à l’Angleterre avaient éveillé les inquiétudes à Constantinople. La position prise par cette dernière puissance à Koweït constituait un danger grave et permanent pour le maintien de la suprématie politique du Sultan sur les tribus de l’Arabie centrale, et la tentative récente de Moubarek était une révélation de ce danger. Aussi le sultan a-t-il vu, dans la guerre allumée entre le sultan du Nedjed et le cheïk de Koweït, et dans la défaite de ce dernier, une occasion, bonne à saisir, d’affirmer son autorité sur la petite république et de trancher à son profit la question litigieuse de la souveraineté de cet État. Des troupes furent en conséquence expédiées de Bassora à destination de Koweït. En faisant entrer ses troupes dans la ville, le sultan pouvait espérer jouir du bénéfice du premier occupant et se mettre en meilleure posture pour discuter, le cas échéant, vis-à-vis de l’Angleterre, la question de la souveraineté de cet Etat.

Mais le gouvernement ottoman, en concevant et en voulant mettre à exécution ce beau projet, avait compté sans l’Angleterre qui se hâta d’intervenir. Ordre fut donné, par le gouvernement anglo-indien, à la flottille britannique du golfe Persique de venir mouiller dans la baie de Koweït, et quand les bataillons turcs arrivèrent en vue de la ville, leur commandant fut avisé que, s’il ne se retirait pas, les Anglais proclameraient officiellement leur protectorat. En même temps, le consul général d’Angleterre à Bagdad signifiait, au nom du vice-roi de l’Inde, aux valis de Bagdad et de Bassora, l’arrangement conclu entre l’Office de l’Inde et le chéïk Moubarek, en vertu duquel ce