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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/382

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la mère de l’indomptable Brand ; et ce pasteur, machine à vouloir, qui ne veut vivre que pour le Christ, avoue, dans son triomphe, qu’il sait à peine s’il est chrétien. Le plus affreux mystère du moi, c’est qu’il arrive un moment où la volonté tourne à vide. On met tout à feu et à sang ; la nuit vient et l’on s’assied dans l’ombre, se disant : Je ne crois plus, je ne sais plus ; vais-je donc ne vouloir plus ? Car que m’importe de tout être, où il n’y a rien ?

Le moi pressent le danger mortel du doute : ne faites jamais la folie de douter de vous-même. Il faut croire en soi. Rien ne nous est bon que ce qui nous y aide ; il n’est mal, que ce qui nous en éloigne.

La volonté est l’organe de la puissance. Être soi, c’est dominer. On ne veut que pour pouvoir. Puissant en énergie, je ne vis que pour être puissant en actes. Il faudra que je vous le fasse sentir, ô mes frères très libres. Le pouvoir, voilà la vie, l’appétit de l’homme, la propre affinité de son sang.

Même vaincu, l’homme puissant ne baisse pas la tête. Il ne regarde pas sa vie comme perdue : tant qu’il lui reste un souffle, c’est une haleine de volonté qu’il respire. La mort même ne ruine pas toujours cette espérance. Le grand moi est pareil au phtisique dans la force de l’âge ; quand tout est détruit et que la mort s’annonce, il connaît une dernière fièvre, un rêve suprême, où il s’endort dans son propre poison.


Antique et Moderne. — Ils sont plaisans de prendre la vie antique pour le modèle d’une vie libre.

Le fait et le moi s’opposent ; ils se bravent ; et l’un toujours asservit l’autre. L’art antique est forme, et soumis au fait. Le moderne est sentiment, et le moi y domine. L’antique est horizontal, surface, si je puis dire ; le moderne, volume, profondeur et vertical.

L’ordre et la beauté antiques viennent de ce que le cœur manque, c’est un art sans âme ; moyennant quoi, il est tranquille. Les enfans aussi ont la paix grecque : ils jouent dans la chambre où leur mère se meurt, et jusque sur le lit, si on les laisse jouer. J’admire cette sérénité, et, malgré moi, je la méprise.

Le grand avantage d’Athènes sur Paris, pour la vie heureuse, c’est que je suis à Paris et qu’Athènes n’est plus. Nous mettons l’âge d’or dans le passé, par prudence : il ne faudrait pas le défier