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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/419

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collectivité d’individus. La communauté des occupations industrielles lui donne une unité apparente. Son patriotisme n’est pas un loyalisme congénital pour une tradition précise, mais de la gratitude envers la terre féconde qui enrichit.

Pendant les cent dix années qui séparent le premier et le dernier recensement de la population américaine, on constate qu’elle a cru de 3 millions à 76 millions. Pendant la même période le nombre des naissances, dans les familles d’Américains nés d’Américains, a diminué de 80 pour 100 et l’immigration des étrangers atteint, chaque année, un chiffre plus élevé. À l’heure actuelle, 12 pour 100 des habitans de la ville de New-York sont des Irlandais nés en Irlande. Au cours de l’année 1900, cette ville a vu arriver 84 346 Italiens, 60 764 Juifs, 46 938 Polonais, 35 607 Irlandais, 32 952 Scandinaves et 29 682 Allemands. Dans une des écoles primaires de la ville de Boston, c’est-à-dire dans la capitale de la vieille Amérique puritaine, le nombre total des écoliers est de : 1 167 Juifs, nés en Europe, 1 273 Italiens et 80 Américains. Parmi les immigrans qui vivent aux États-Unis, on en compte environ 6 millions qui restent attachés au souverain de leur pays d’origine et qui ne se fondent pas dans les institutions américaines. Toutes les religions prospèrent[1].

M. Beckles Willson cite ces faits avec d’autres de même ordre. Où trouve-t-il dans cette diversité de races, de croyances et d’éducation, les élémens d’une nation ? Il croit les apercevoir, et, fidèle à son point de vue de Canadien anglais, il s’ingénie à découvrir nos acquisitions politiques. Il se heurte à la confusion d’un logis où l’on emménage et il en conclut : « Quand l’Amérique se détachera de cette hypocrite apparence de contentement qu’elle professe pour ses institutions, — quand elle arrivera à réaliser l’idée qu’il y a des besoins moraux et esthétiques, que sa forme de gouvernement ne peut satisfaire, — quand son peuple, en un mot, aura acquis l’humilité, la tolérance et le respect, alors elle paraîtra, à quelques-uns de ses voisins, plus digne d’être imitée. »

C’est tout justement parce que M. Beckles Willson considère l’Amérique comme une nation achevée, « comme un empire dont le concert des nations est obligé désormais d’accueillir respectueusement les notes brusques et inharmonieuses, » qu’elle le

  1. La statistique de 1902 accuse 43 genres de religions qui se subdivisent en 150 variétés.