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et coûta toute leur fortune, pour faire triompher la déclaration d’indépendance. Du moment où les colonies devenaient une Confédération, les individus si disparates dont elle était formée, manifestèrent certaines tendances communes qui, en ce temps-là comme aujourd’hui, furent l’essence même de l’américanisme.

La Déclaration d’Indépendance donna séparément à chaque État pleine puissance pour décider de la guerre, conclure la paix, contracter des alliances, établir des relations commerciales, entreprendre tous les autres actes et mouvemens auxquels « des États indépendans ont droit. » On limita autant que possible l’autorité du Congrès ; la peur de créer un gouvernement tyrannique conduisit à un degré de liberté que Washington qualifia de « presque anarchique. » « Un jour, dit-il, nous sommes une nation, le lendemain nous en sommes treize. Dans ces conditions, qui voudrait traiter avec nous ? » Sur cette importante question, le pays se divisa graduellement en deux partis : ceux qui souhaitaient l’unité, un gouvernement national et un président ; — ceux qui combattaient pour la souveraineté individuelle des divers États. Les chefs de ces deux groupes, Alexandre Hamilton et Thomas Jefferson, incarnent dans leurs personnes, l’un, cet esprit républicain, l’autre, cet esprit démocratique, double base de toutes les aventures politiques, économiques et sociales qui sont la matière de notre histoire américaine[1].

Alexandre Hamilton était un Anglais, un aristocrate et un homme d’Etat. Jefferson, un Américain fils de ses œuvres, auteur de la Déclaration de l’Indépendance. Il désirait le gouvernement par le peuple, tandis qu’Hamilton inclinait vers la concentration du pouvoir. Les sympathies de Jefferson le portaient vers la France. Hamilton avait pour idéal la tradition anglo-saxonne. Il aurait désiré calquer le gouvernement américain de la Grande- Bretagne. Jefferson était préoccupé des intérêts domestiques, du développement intérieur, du progrès agricole et commercial. Hamilton redoutait l’intervention étrangère. Il insistait sur la nécessité d’un gouvernement national, capable de-créer une armée et une marine. Il écrivit un admirable rapport sur l’administration financière. Ainsi, d’un mot, Hamilton donna une forme, et Jefferson la vie à la République qui naissait, sous le

  1. Ces deux partis politiques étaient : Fédéralistes (1789), Républicains (1820), Whigs (1854), Démocrates (1830), Républicains (1856).