Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1802. Au début de 1803, profitant d’une part de la tournure que prenaient les événemens politiques, de l’autre, des dispositions de Napoléon, qui renonçait à établir une colonie dans le nord de l’Amérique, les envoyés extraordinaires que le Président Jefferson avait expédiés à Paris, avec l’ordre d’entrer en négociations, achetèrent toute la Louisiane, sans que le Congrès en fût même averti. Cela était en contradiction directe avec le droit constitutionnel et avec les principes sur lesquels Jefferson lui-même avait fondé son parti démocratique. Conscient du profit énorme qu’une telle acquisition était pour les États-Unis, et sûr de l’approbation populaire, il écrivit : « Pour ce qui est des difficultés constitutionnelles, le meilleur est de n’en rien dire. Le Congrès fera ce qu’il jugera nécessaire. L’affaire est que les débats soient aussi courts que possible. » Le Congrès et le Sénat, « jugèrent nécessaire » de ratifier le traité par une grande majorité et ils votèrent tout le crédit demandé. L’estime dont Jefferson était l’objet dans le public, augmenta. Il n’y avait rien de changé dans les attributions du Pouvoir Exécutif ; ce n’était pas un précédent qu’on venait de créer, Jefferson définit lui-même le droit dont il venait d’user « l’initiative d’accomplir un acte, certainement anticonstitutionnel, mais si évidemment utile à la nation que la nation l’accomplirait elle-même si elle était en position de le faire. »

La possession de la Louisiane ne mit pas fin à tous les débats. La jeune Union continuait à se débattre, dans des questions de titres de propriété territoriale, qui, d’une façon ou de l’autre, intéressaient l’action commerciale. Jefferson lui-même compromit un peu son principe démocratique en émettant ce vœu : « Tandis que les nations du vieux monde luttent entre elles, les États-Unis doivent rester en dehors, indifférens ou au moins impartiaux, amassant rapidement des richesses, grâce au canal d’un vaste commerce neutre. » Il va plus loin encore, quand, à propos des colonies méridionales restées aux mains de l’Espagne, il précise cette doctrine : « Nous naissons à l’idée qu’il faut considérer comme des eaux américaines tout le Gulf-Stream, où nous devons, dès aujourd’hui, désapprouver les actions navales et les croisières, en attendant que nous ayons la force de les interdire. Nous ne permettrons jamais à un corsaire d’y pénétrer et, nous fermerons nos ports aux navires de guerre, battant pavillon étranger. Ceci est essentiel à notre tranquillité, à notre