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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/445

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affaires tiennent un rôle des plus importans. Herbert Spencer qui est, en Angleterre, un oracle écouté, dit : « La meilleure éducation est celle qui prépare le plus directement l’homme au genre de vie qu’il devra mener. » À prendre cette définition au pied de la lettre, il faut reconnaître que l’expérience a été jusqu’ici en Amérique le meilleur éducateur. Si l’on considère la jeunesse de ce pays, et tout ce qu’on y a fait depuis cent ans, on comprendra que les Américains aient eu peu de loisir à consacrer à des études qui ne trouvaient pas immédiatement leur application pratique. En revanche, ils n’ont pas tardé à s’apercevoir que l’ignorance est le plus dangereux des ennemis, — même pour des hommes qui tendent seulement vers des fins commerciales. Le résultat de cette découverte est la passion de tout un peuple pour l’instruction. Plus de 17 millions d’Américains fréquentent les écoles ou les collèges ; c’est-à-dire que, sur quatre personnes, en comptant les hommes, les femmes et les enfans, il y a un individu qui s’assoit sur les bancs d’une école. Il faut ajouter à ces chiffres des centaines de mille d’ouvriers et d’ouvrières qui suivent les écoles du soir, ou des cours par correspondance. Nulle part, ailleurs, on ne voit tant d’hommes d’affaires envoyer leurs fils au collège. L’habitude en devient chaque jour plus fréquente, et le nombre des étudians confiés aux Universités croît dans une proportion formidable. Inutile de dire que la majorité de ces jeunes gens, après qu’elle aura pris ses grades, ira aux affaires. M. Carnegie apprécie dans ces termes l’influence de l’éducation universitaire dans la préparation de l’homme qui prétend réussir à la bataille commerciale : « Si l’on considère que, dans le monde des affaires, aucun homme ayant atteint une haute position n’a pris ses grades, il semble que l’on ait le droit de conclure que l’éducation du collège, telle qu’on l’a aujourd’hui, est un obstacle insurmontable à ce genre de succès. Le gradué qui, à vingt ans, entre dans les affaires, est destiné à être supplanté par le petit garçon qui a balayé le bureau, ou par le commis qui a débuté à quatorze ans. C’est la leçon de l’expérience. » Henry Clewes, le financier, va plus loin encore. Il déclare : « Je n’emploie pas dans ma banque des hommes qui aient fréquenté le collège. Ils me solliciteraient en vain. Je ne les désire pas, car je crois qu’ils sont gâtés pour la vie d’affaires. L’homme de collège ne veut pas commencer tout en bas de l’échelle, il regarde de haut les positions humbles qu’il