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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/444

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D’autre part, on rencontre des économistes prudens qui approuvent l’intervention de la loi pour détruire absolument les trusts. Entre ces deux extrêmes se groupent ceux qui viennent renforcer l’opinion d’un arbitre respecté, M. Roosevelt. Le Président dit : « Il vaut beaucoup mieux voir quelques personnes profiter à l’excès que personne ne prospérer du tout. Ainsi, un homme qui réclame la destruction des trusts par des mesures qui viendraient à paralyser l’industrie de ce pays est ou un charlatan, ou le pire ennemi de la République. » Et un peu plus loin : « Il faut cependant, ici, que la législation intervienne comme un remède courageux et efficace. » En fait de remède légal, on a songé depuis longtemps à l’abaissement des tarifs douaniers comme à la première et à la plus importante des mesures qu’il fallait prendre dans l’occasion. Mais il a été démontré avec clarté que l’abaissement des droits avant de détruire un seul trust, supprimerait d’abord toutes les industries survivantes qui luttaient contre son monopole. D’autre part, deux moyens efficaces sont proposés pour atténuer le mal causé par les trusts en conservant ce qu’ils ont de bon : d’abord, les chemins de fer ne pourront, sans illégalité, transporter le fret des trusts à des tarifs de faveur qui écrasent leurs petits concurrens. Ensuite, il faut exiger que les trusts rendent publics les statuts de leurs organisations, et les résultats de leurs transactions[1].

Quant aux moyens précis que M. Roosevelt propose, voici ses propres paroles : « Dans la nécessité où l’on est de réglementer les trusts, il semble qu’il faille les placer sous le contrôle non pas nominal, mais réel, d’un souverain, auquel ils devraient obéissance et dont ils respecteraient les commandemens. À cette puissance souveraine, il faut donner de l’autorité sur ses forces organisées, de façon si artificielle et si redoutable. À mon avis, il conviendrait que cette souveraine puissance fût le gouvernement national. Quand elle sera armée de toute l’autorité nécessaire, elle en pourra user pour contrôler toute influence pernicieuse, avec la volonté d’exercer sa force dans un sentiment de modération et de bienveillance. »

Quant à la vie intellectuelle aux États-Unis, il suffit de la considérer dans une seule de ses manifestations — les universités — pour voir que, même dans ce royaume de la culture, les

  1. La Chambre vient de créer un nouveau Département du Commerce dans la pensée de surveiller les trusts et de signaler leurs abus.