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les hostilités, le Sénat masquait ses intentions véritables. Il a donné un gouvernement autonome à Cuba ; mais l’effort du Président pour accorder la réciprocité aux importations cubaines se heurte définitivement à l’obstruction du Sénat. Cette résistance a un motif péremptoire : l’entrée libre du sucre et du tabac cubain aux Etats-Unis ferait échec à la prospérité des trusts américains des sucres et des tabacs.

Le Président Roosevelt a fait connaître ses intentions au sujet de Porto-Rico. « Notre but est d’élever le niveau de cette île à la hauteur du développement de l’Etat américain. Cet effort accompli, on lui donnera un gouvernement autonome. » Et les mêmes engagemens sont pris à l’endroit des Philippines.

Le conflit qui s’est élevé à propos des tarifs cubains, la question actuellement pendante des trusts, met dans une lumière certaine l’existence de deux pouvoirs qui ne sont pas aujourd’hui en plein accord. Des présidens comme Harrison, Cleveland, Mac-Kinley, représentaient les intérêts du peuple américain. Roosevelt représente ses principes. Tout d’abord il a en vue le droit. Le gouvernement de Wall Street a tout d’abord en vue le profit. Si cette opposition se prolonge, on ne tardera pas à voir de quel côté est la vraie force.

Quant à l’impérialisme, ceux qui, comme M. Willson, épient son aurore, se sont tournés du mauvais côté de l’horizon. Jamais le peuple américain, né libre, ne dotera son chef d’une puissance impériale. Il n’accroîtra même pas librement les prérogatives que la Constitution a octroyées au Président[1]. En revanche, le développement logique du génie commercial des Américains qui, quotidiennement, accumule plus de pouvoir dans les mains de quelques chefs industriels, pourra, un jour, nous montrer ces « Maîtres » imposant au peuple les obligations de l’Empire.


Mrs JOHN VAN VORST.

  1. Aucune modification aux termes de la Constitution ne peut être apportée sans que les deux tiers des deux Chambres aient jugé opportun de présenter un amendement qui, pour être accepté, doit être ratifié par les trois quarts des États.