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et exagéré les prétendus dangers, et ces paroles, destinées à être sans cesse invoquées par les partisans du monopole, devaient agir comme un excitant sur les esprits radicaux, socialistes et jacobins qui se chargeaient d’en tirer les dernières conséquences. Au surplus, si nous remontons à l’origine du mouvement actuel, c’est bien moins pour fixer des responsabilités sur lesquelles l’histoire ne saurait se méprendre, que pour mesurer, en montrant le point d’où nous sommes partis et celui où nous sommes arrivés, le chemin parcouru en quelques mois. La loi de 1901 avait la prétention de régler définitivement les questions qui se rapportent à la liberté de l’enseignement : déjà on la juge insuffisante.

Quel est, contre elle, le grief principal des journaux du parti avancé ? C’est que les anciens congréganistes, aujourd’hui sécularisés ou même laïcisés, s’en moquent outrageusement, puisqu’ils continuent d’enseigner ou se disposent à le faire ; qu’ils annoncent l’intention de rouvrir leurs écoles ; qu’ils adressent des lettres aux familles pour leur en faire part, en ajoutant que rien ne sera changé à leur enseignement. N’ayant pas vu ces circulaires, nous ne savons pas si l’analyse qu’on en donne est exacte ; mais, en admettant qu’elle le soit, qu’y a-t-il là de répréhensible ? Qui dit liberté dit diversité. Il est parfaitement légitime, au moins jusqu’à nouvel ordre, de donner un enseignement qui diffère dans son esprit de celui de l’État. On peut préférer celui-ci ou celui-là, et quant à nous personnellement, nous préférons celui de l’Université ; mais libre à chacun d’en aimer mieux un autre. La loi de 1901 a laissé à tout le monde le droit de choisir. Elle s’est contentée de condamner les congrégations à mort en les obligeant à demander au Parlement une autorisation qu’il ne devait pas leur donner. Les unes l’ont demandée ; on la leur a refusée et elles sont dissoutes. D’autres, « les plus rebelles, » dit M. de Lanessan, ont jugé inutile de faire une démarche dont elles regardaient, avec une juste prévoyance, le résultat négatif comme certain, et elles se sont dissoutes tout de suite. Nous avons beau chercher, nous ne comprenons pas pourquoi M. de Lanessan les appelle « les plus rebelles. » Singulière rébellion que d’aller spontanément aux dernières conséquences de la loi et de s’y conformer  ! D’une manière ou d’une autre, toutes les congrégations se sont soumises. Mais, les congrégations une fois dissoutes, restaient les anciens congréganistes. La loi leur interdit-elle d’enseigner ? Nullement. Si on a des raisons légitimes, ou qu’on estime telles, de contester la sincérité et la réalité de leur sécularisation, les tribunaux sont là ; c’est à eux à prononcer. En