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attendant, les anciens congréganistes peuvent enseigner comme vous et moi : c’est bien le moins, puisqu’on les a obligés à rentrer dans le droit commun, qu’ils en bénéficient. On les accuse encore, dans certains journaux, de « se moquer de la loi, » parce que, laïcisés et revêtus d’un costume civil, ils se contentent de changer de commune pour continuer de professer. Quelle comédie ! dit-on ; quelle duperie ! Peut-être accusera-t-on encore ces malheureux d’être « les plus rebelles » parce que, non contens de s’enfermer strictement dans les obligations que la loi leur impose, ils vont encore plus loin. Rien ne les oblige à changer de commune et cependant ils le font. On a présenté une loi pour le leur enjoindre ; mais, votée par la Chambre, elle ne l’a pas encore été par le Sénat. Néanmoins ils s’y soumettent par anticipation. Que veut-on de plus ? Si on veut qu’ils ne professent pas du tout, il faut le dire : la loi ne l’a pas encore fait jusqu’ici.

Précisément, on veut qu’elle le fasse ; c’est un nouveau pas en avant qu’on se propose d’exécuter dès la rentrée des Chambres ; seulement on se demande quelle sera la réponse du ministère lorsqu’on lui demandera de s’y prêter. Malgré les rodomontades de M. Combes et la complaisance avec laquelle il parle des services qu’il a rendus à la libre pensée, il n’inspire pas confiance à la partie avancée de sa majorité. On se rappelle qu’il a manifesté, à diverses reprises, de vagues tendances spiritualistes et déistes : c’est assez aujourd’hui pour être suspect. Sur la question de la liberté de l’enseignement on craint quelque difficulté. Viendra-t-elle de M. Combes ou de M. Chaumié ? Peu importe, car tous deux en pareille matière sont les organes également autorisés du gouvernement. M. Chaumié s’est toujours déclaré partisan de la liberté, et il a déposé un projet de loi qui en respecte le principe, bien que, dans la manière dont il en réglemente l’application, il y ait plus d’une disposition inacceptable. Peut-être a-t-il pensé que son projet, regardé comme insuffisant par les uns, mais comme un moindre mal par les autres, pourrait être accueilli par tous comme une transaction. Il est à craindre qu’il ne se soit trompé. Les libéraux n’accepteront certainement pas toutes les dispositions du projet, et, quant aux jacobins, ils sont déjà déchaînés contre son principe même : ce n’est pas avec aussi peu de chose qu’on les contentera. Que fera M. Combes, que fera M. Chaumié, que fera le gouvernement en face de l’ultimatum qui va leur être posé ? Essaieront-ils de résister ? S’ils le font, jusqu’à quel point pousseront-ils la résistance ? Ce qu’on sait déjà de nos ministres ne permet guère de compter de leur part sur un grand effort d’énergie. Tout porte à