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est chargé de nourrir et de solder les troupes. Le plus souvent, c’est aux dépens des habitans, pressurés sans merci, que la subsistance de ces troupes est assurée. Lorsque ces derniers ne se prêtent point de bonne grâce à ces réquisitions, ou bien lorsque le pays où l’on opère est pauvre, le soldat chinois pourvoit alors lui-même à ses besoins par la maraude et par le pillage. De plus, l’armée chinoise vient d’en faire l’épreuve, l’on n’est point toujours maître du choix du lieu des opérations, et les troupes qui peuvent se trouver dans l’obligation d’opérer dans certaines régions montagneuses, — ce qui fut le cas des opérations qui se déroulèrent, en 1901, sur les frontières du Chen-si. Privées alors de ces nombreux moyens de communication, les troupes doivent avoir à leur suite un service de transports facile et régulier qui puisse assurer leurs divers besoins. Ce sont, selon la nature du pays, ici, des charrettes, là des mulets de bat ou des chameaux, sur d’autres points, des brouettes chinoises, des coolies, etc. Un bon service de l’intendance pourvoira ainsi aux besoins de l’armée dans ces divers cas.

En ce qui concerne l’administration même et le contrôle des dépenses de l’armée, nous savons bien qu’en Chine, le pays du formalisme, les règles les plus minutieuses président à la perception et à l’emploi des deniers publics en vue de leur protection contre les concussions et autres malversations de tout ordre ; et aussi, que les châtimens les plus sévères sont édictés contre les auteurs de crimes et délits de cette nature. Mais nous savons également que l’on a pu dire, sans être démenti, qu’il n’est point de pays, pour des raisons diverses, où la dilapidation des finances publiques s’exerce avec autant d’impudence et de cynisme. Mgr Favier écrivait, en 1897, en parlant des efforts tentés par Li-Hung-Chang pour la formation de troupes instruites à l’européenne :

« Ici encore la vénalité et l’amour du lucre sont venus paralyser ces premiers efforts. Tel mandarin avec deux barils de poudre européenne en faisait douze, et l’on s’étonnait que le boulet ne sortît pas de l’âme du canon ! Tel autre exigeait pour lui-même le tiers de la valeur d’une commande, et acceptait des armes défectueuses. On passait l’inspection d’un fort, 2 000 hommes bien tenus s’y trouvaient ; mais, pendant que l’inspecteur déjeunait, on les faisait passer dans un autre fort, puis dans un troisième, et ces 2000 hommes comptaient pour 6 000.