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sciences que ceux-ci devront acquérir pour pouvoir être à hauteur de leurs fonctions, contribuera à répandre, dans le peuple, les élémens de cette science que les lettrés ont repoussée jusqu’à ce jour comme le plus funeste des présens. Le niveau moral des rangs inférieurs de l’armée se relèvera en même temps sous l’impulsion de tels chefs et grâce, aussi, aux excellentes dispositions prises pour leur recrutement ; — et ce ne sera point une des moindres bizarreries dont la Chine pourra nous donner le spectacle, que de voir un jour cette armée, hier encore si décriée, si méprisée, jouer sur le continent de l’Extrême-Orient ce rôle d’éducatrice morale et sociale des masses, qui est en tous pays celui des armées vraiment dignes de ce nom, et reconquérir ainsi le haut rang que lui assure, dans les institutions publiques, sa mission de gardienne vigilante de l’ordre, de l’honneur de la nation, et de protectrice de ses destinées !


VII

Pour ce qui est du système même d’organisation des forces militaires qui convient le mieux à l’Empire du Milieu, point n’est besoin, à notre avis, — et la Chine l’a bien compris, — de modifier profondément le principe de décentralisation qui a présidé à la constitution de ses anciennes armées des provinces : le seul objectif que les réformateurs doivent et puissent de longtemps se proposer d’atteindre, dans la réorganisation de ces forces militaires, étant un objectif essentiellement défensif, aux besoins duquel la répartition actuelle des petits corps d’armée qui ont été formés sur les points stratégiques importans du territoire répond parfaitement.

Il suffit au gouvernement chinois de doubler, de tripler, selon les éventualités qui sont à redouter dans un avenir rapproché et qu’il est en mesure de prévoir, la force de ces petits corps d’armée, au fur et à mesure des ressources qui lui seront fournies par son recrutement, en prélevant sur le contingent de « l’Etendard Vert » et sur les irréguliers, « Braves » ou autres, les meilleurs élémens en soldats ; et en leur affectant comme cadres des officiers sortis des nouvelles écoles militaires ainsi que les officiers de fortune dits en « expectative » qui se sont le plus distingués dans la dernière guerre[1].

  1. C’est certainement une préoccupation de cette nature qui poussait Li-Hung-Chang, dans ses entretiens avec les généraux alliés, à demander fréquemment à ces derniers leurs impressions sur les qualités et les défauts des troupes chinoises qu’ils avaient eu à combattre, s’efforçant, par ce moyen, de se renseigner sur les officiers et sur les corps dont la valeur ou la science tactique avaient été mises plus particulièrement en relief.