scission formelle entre le gouvernement et lui : mais enfin il y a séparation, et chacun va de son côté, sans qu’on puisse dire s’ils se rejoindront jamais.
Comment le phénomène s’est-il produit ? Il y a quelques mois encore, l’accord paraissait complet entre tous les membres du gouvernement, et si M. Chamberlain avait été le plus contesté et le plus combattu de tous, la victoire finale l’avait rendu le plus populaire et, en apparence, le plus difficile à ébranler. L’instinct de combativité qui est en lui plaisait à ses compatriotes : ils y voyaient quelques-unes des qualités et aussi des défauts qui leur sont le plus chers. Sans doute la guerre du Transvaal avait été mal conçue et mal conduite ; elle avait coûté, en hommes et en argent, beaucoup plus qu’elle ne l’aurait dû ; les résultats qui viennent d’être publiés d’une enquête sur l’organisation militaire ont été à ce point de vue une révélation, non pas pour le reste du monde, mais pour l’Angleterre : n’importe ! le succès avait tout couvert, et on savait gré à M. Chamberlain de n’en avoir pas un seul moment désespéré. Il pouvait donc aspirer à tout, lorsque l’idée la plus imprévue lui est venue à l’esprit. Nous avons déjà dit que, lorsqu’il s’était déclaré unioniste, on ne savait pas, et peut-être ne savait-il pas encore lui-même à quel point il l’était. L’union intime, maintenue per fas et nefas entre l’Irlande et l’Angleterre, devait bientôt ne plus lui suffire ; il a voulu donner un caractère plus étroit à celle des colonies avec la métropole, par d’autres moyens sans doute, mais avec cette préoccupation toujours croissante chez lui de resserrer les membres épars de l’empire britannique. De l’unionisme primitif et mesquin il est passé à l’impérialisme, et cette lumière nouvelle l’a complètement ébloui. C’est peut-être son malheur d’avoir été ministre des Colonies : dans l’étude quotidienne des questions coloniales, d’ailleurs si importantes pour l’Angleterre, il est devenu un peu étranger aux affaires intérieures de son pays, et il s’est trouvé tout d’un coup en opposition avec une partie considérable de l’opinion. Ce n’est même pas assez dire : une grande majorité s’est dessinée contre ses projets. Quels étaient-ils ? Nous les avons déjà fait connaître. Pour rattacher par des liens plus solides les colonies à la métropole, M. Chamberlain voulait établir entre elles un Zollverein économique. On créerait un système de droits préférentiels au profit des colonies, qui trouveraient dans la métropole un marché ouvert à leurs produits, tandis qu’elles seraient elles-mêmes un marché ouvert aux produits de la métropole. La contre-partie serait naturellement un régime plus rigoureux imposé aux autres nations du monde. En un