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où l’on n’avait jamais jusque-là envoyé de troupes, a maintenant son petit corps d’occupation composé d’un bataillon, dont l’entretien coûte un million à la métropole[1]. »

Les fonctionnaires du Congo, vrais maîtres Jacques, étaient beaucoup moins encore les administrateurs de cette colonie que les intendans des services de l’arrière du corps expéditionnaire opérant autour du Tchad. Quelque proverbiales qu’aient été chez certains d’entre eux l’activité et la force de résistance, il leur était impossible de suffire au labeur écrasant qu’ils avaient mission d’assumer : ils se voyaient obligés de sacrifier une partie de leur tâche, et c’est dans presque tous les cas la colonisation qui en a souffert. Ainsi la fortune du Congo se trouvait liée aux vicissitudes de la conquête du Tchad ; au commencement de l’année 1900, les trois missions saharienne (Foureau-Lamy), de l’Afrique occidentale (Joalland-Meynier) et du Chari (Gentil) se trouvaient réunies dans le delta du Chari, au sud-est du Tchad. Rabah, qui avait envahi le Baguirmi et surpris en juillet 1899 notre avant-garde sur le Chari (Bretonnet), fut attaqué à son tour par les trois missions réunies, battu et tué à la journée de Kousseri (22 avril 1900) ; son fils Fad-el-Allah, réfugié dans le Bornou, ne fut lui-même vaincu et tué par nos troupes qu’un an plus tard, en territoire assigné à la Nigeria anglaise, mais non encore occupé. Depuis lors, la puissance rabiste abattue, nous n’avons eu qu’à organiser nos conquêtes, à nous consolider contre les Touareg que nous rencontrons au-delà du Tchad, à préparer l’annexion pacifique du Ouadaï, compris dans notre sphère d’influence. Mais la période des à-coups, des expéditions hâtivement dirigées vers le Nord et si préjudiciables à la mise en valeur du Congo est close depuis la mort de Fad-el-Allah ; le Congo entre donc dans une ère nouvelle ; il a terminé ce que l’on pourrait appeler l’âge des écoles, et le gouvernement français va pouvoir enfin s’occuper de développer méthodiquement cette colonie trop longtemps sacrifiée.

Le Congo, en effet, avait acquis durement des titres à la sollicitude des pouvoirs publics : pendant que nous conquérions les pays du Tchad en y consacrant non plus de l’argent peut-être, mais des intelligences et des énergies qui eussent dû être réservées au Congo, les concessionnaires étaient arrivés à pied

  1. Rapport Bienvenu Martin. Annexe à la séance du 5 déc. 1902, n° 585, p. 63.