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mariage, son mari en ait douté. Mais sa confiance ne dura pas. Bientôt, il prit ombrage des relations que sa femme entretenait avec des hommes de cour, et sa jalousie acheva de la détacher de lui. Ses soupçons étaient-ils justifiés ? Rien ne le prouve. Les rumeurs du temps, d’après lesquelles elle aurait eu des bontés pour le duc de Boufflers et le duc de Durfort, ne constituent pas une preuve, à moins qu’on ne veuille considérer comme parole d’évangile le dicton qui prétend qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Ce qui semble plus vrai, c’est qu’après n’avoir goûté qu’un bonheur rapide et intermittent, le ménage s’était complètement désuni. Il ne serait donc pas étonnant qu’avide de compensations et de dédommagemens, la jeune femme, contaminée par la démoralisation générale qui caractérise son temps, les ait cherchés hors de chez elle.

En ces tourmens qu’on devine sans qu’il soit nécessaire de les décrire, il y eut cependant quelques rayons de soleil. René Hérault maria brillamment ses deux filles. L’aînée épousa M. de Marville, qui fut ensuite le successeur de son beau-père au poste de lieutenant général de police ; la cadette épousa le comte de Polastron, duquel naquirent celle qui est entrée dans l’histoire sous le nom de duchesse de Polignac, l’amie de la reine Marie-Antoinette, et un fils qui fut le mari de cette délicieuse Louise de Polastron, l’amie du Comte d’Artois, dont la conversion date de sa mort.

Une joie plus grande encore fut donnée au ménage Hérault. Un fils venu au monde en 1737 combla le vide que ces mariages d’une part, et d’autre part la mort avaient creusé dans la maison. Mais ce ne furent là que des éclaircies. La santé de René Hérault, devenue de plus en plus précaire, lui fit désirer un emploi moins laborieux que celui qu’il occupait et qu’amis et ennemis déclaraient trop lourd pour lui. Il obtint alors du roi que son gendre Marville lui succéderait. Lui-même fut nommé intendant de la généralité de Paris.

Par malheur, déjà la mort planait sur lui. Atteint d’hydropisie, sa maladie s’aggravait de son état moral. Ses derniers jours furent troublés par des remords. Il se demandait si, dans sa conduite envers les jansénistes, il s’était toujours inspiré d’une saine justice, s’il n’avait pas abusé de son autorité. Il semblait parfois accablé par les reproches de sa conscience. Ces scrupules témoignaient de son exaltation maladive, car il