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constater l’absence de l’autre pour obtenir le divorce. Le comte de Bellegarde étant inscrit sur la liste des émigrés, et sa présence dans l’armée sarde ne pouvant être contestée, sa femme avait beau jeu pour prouver ses droits à l’annulation de son mariage. Le 7 octobre 1793, armée d’un acte de notoriété dressé par le comité civil de la section du Mont-Blanc, établissant l’absence de l’époux, elle se présentait à la municipalité de Paris, où, sur sa requête, le divorce fut aussitôt prononcé.

À ce moment, Hérault de Séchelles et Philibert Simond venaient de quitter la capitale, le premier pour se rendre en Savoie où un retour offensif de l’armée sarde avait décidé la Convention à l’envoyer en le chargeant, avec son collègue Dumas et le général Kellermann[1], d’organiser la défense, le second pour remplir dans le Haut-Rhin une mission de même nature, ce département frontière étant menacé par la coalition et travaillé à son profit par la faction contre-révolutionnaire. Leur absence devait être de courte durée. Adèle, qui n’avait vu partir qu’à regret son amant, attendait avec impatience son retour, impatience d’autant plus vive qu’elle la savait partagée.


ERNEST DAUDET.

  1. Le 11 septembre, Kellermann était à Chambéry et assista à la séance du Conseil général. Accueilli par des acclamations enthousiastes, il déclara dans un discours emphatique qu’il aurait promptement raison des brigands qui menaçaient la liberté et qu’il ne demandait d’autre récompense, lorsque, sa carrière terminée, il viendrait se fixer en Savoie, que le commandement des gardes nationales du Mont-Blanc. Dans un ordre du jour voté à l’unanimité le Conseil général rendit hommage « à son courage, à son civisme épuré, à ses talens militaires, à ses principes de morale, de philosophie et d’humanité, » et prit acte de ses engagemens fraternels « pour servir de garantie réciproque et de monument éternel des services qu’il a rendus à la liberté dans ce département, de ceux qu’il veut encore lui rendre, de l’estime, de la confiance, de la reconnaissance et de l’amour de tous ses habitans. » Huit jours plus tard, il était destitué, rappelé à Paris et arrêté en y arrivant.