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LA JEUNESSE DE SCHOPENHAUER


I. — LES PARENS

Il y a dans le principal ouvrage de Schopenhauer un long chapitre sur l’hérédité morale. Que les caractères physiques des individus, aussi bien que des espèces, soient héréditaires, aucun philosophe ni aucun naturaliste n’en a jamais douté, et l’expérience de tous les jours le prouve. Mais en est-il de même des penchans, des aptitudes, de tout ce qui ne tient pas essentiellement à la forme du corps ? Peut-on dire d’une manière absolue que bon chien chasse de race, et que tel père, tel fils ? Non seulement Schopenhauer l’affirme, mais il prétend déterminer, dans la transmission des qualités morales, la part de chacun des deux parens. Le père fournit l’élément primordial et fondamental de tout être vivant, le besoin d’agir, la volonté. De la mère dérive l’intelligence, faculté secondaire. Schopenhauer n’a pas de peine à trouver dans l’histoire des faits qui justifient sa théorie, et il écarte simplement ceux qui la contredisent. Que, par exemple, Domitien ait été le vrai frère de Titus, « c’est ce que je ne croirai jamais, dit-il, et j’incline à mettre Vespasien au nombre des maris trompés. » Mais il ne pensait sans doute qu’à lui-même quand il disait : « Que chacun commence par s’observer, qu’il reconnaisse ses penchans et ses passions, ses défauts de caractère et ses faiblesses, ses vices aussi bien que ses mérites et ses vertus, s’il en a ; qu’il se reporte ensuite en arrière et qu’il pense à son père : il ne manquera pas de retrouver en lui tous ces mêmes traits de caractère[1]. » Les ascendans paternels de Schopenhauer, aussi

  1. Die Well als Wille und Vorstellung, supplément au 4e livre. chap. 43.