jeunes gens sont pressés et ils vont au plus pressé. Ce qui est de nature à les tenter dans les sciences c’est qu’elles offrent de nombreux débouchés, et mènent directement à toute sorte de carrières : et c’est bien pourquoi, dans l’actuelle organisation par cycles, tant de parens ont choisi pour leurs fils les sections où brille le mot magique de sciences. On va aux sciences non parce qu’elles offrent à qui les aime d’un amour désintéressé des émotions quasi religieuses, mais parce que leur étude a un caractère d’utilité immédiate. Pas plus dans une démocratie qu’ailleurs, l’enseignement scientifique et utilitaire n’est un instrument de culture générale.
Au contraire, les lettres peuvent bien n’avoir pas d’autre efficacité ; mais elles sont l’organe même de cette culture, le moyen approprié à cette fin. Les professeurs de littérature dont nous lisons les leçons dans l’Education de la démocratie se sont appliqués avec soin à ne pas se contenter d’argumens de sentiment, et ne pas « entonner l’hymne éloquent des vieilles humanités. » A notre avis, ils s’en sont gardés avec un excès de scrupule ; mais leur argumentation n’en est que plus solide. M. Lanson n’a pas eu de peine à montrer, en des pages d’une précision qui ressemble à de la sécheresse, tout ce qu’on peut tirer, pour la formation intellectuelle, d’un texte littéraire dont on sait dégager et développer le contenu. « Une œuvre littéraire est un aspect de l’humanité, un moment de la civilisation. La plus légère est toute chargée de sens… A son tour, M. Croiset se porte garant que l’esprit de l’enseignement universitaire est l’esprit scientifique. « Nous ne croyons qu’à la science ; » telle est sa déclaration de principes. Son témoignage a d’autant plus de force quand il s’élève en faveur de la culture esthétique et de sa valeur éducative. « La vraie beauté n’est que l’épanouissement suprême de l’idée dans une forme qui la rend sensible. L’œuvre d’art la plus belle est celle qui enferme dans l’harmonie du mot, de la ligne, de la couleur, la plus grande somme de vie, c’est-à-dire de pensée et de sentiment. Éliminer de l’idée de beauté toute réalité substantielle, c’est une grave erreur. Mais en exclure, comme fait Tolstoï, la notion même de la forme, c’est un contresens. Le propre de la beauté est d’être à la fois fond et forme, et de donner ainsi à l’âme un aliment complet, mieux adapté aux enfans et à la foule que ne l’est parfois l’idée pure… Ce serait donc une lourde faute que de ne pas faire à la beauté sa part dans l’éducation, en France surtout, où le goût naturel est si vif, où le sens de l’art a toujours été une des qualités essentielles de l’esprit national et un. De ses moyens d’influence les plus efficaces. » Veut-on développer