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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/131

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Oui, répond le lieutenant-colonel Titeux, qui n’admet pas que le général Dupont ait pu commettre une faute, qui le considère comme un homme de guerre supérieur et le proclame impeccable. — Non, répond le lieutenant-colonel Clerc. Il a choisi librement, volontairement un mauvais terrain de combat. Lorsqu’il répartissait ses troupes d’Andujar à Mengibar, il entreprenait contrairement aux règles de la guerre une opération d’une extrême difficulté, en essayant de défendre le passage d’un fleuve presque partout guéable au mois de juillet, que des colonnes ennemies pouvaient traverser sur plusieurs points à sa droite et à sa gauche, de façon à l’envelopper. Qu’on n’invoque pas surtout pour le justifier les ordres formels qui lui prescrivaient de rester à Andujar et de s’y défendre jusqu’à la dernière extrémité. Si formels qu’ils fussent, ces ordres donnés de loin lui laissaient toujours la latitude de se mouvoir dans un certain rayon. Au passage du Mincio, à Pozzolo, Dupont avait autrefois réclamé cette liberté de mouvemens auprès de Brune, son chef direct et immédiat, présent comme lui sur les lieux. Comment ne lui aurait-elle pas appartenu dans des conditions si différentes, lorsque ses chefs étaient à des centaines de lieues et que lui seul pouvait juger des difficultés du terrain ? C’était à lui d’interpréter la pensée du quartier général, qui ne connaissait qu’imparfaitement la topographie du pays. Rester à Andujar, cela pouvait vouloir dire se maintenir dans la région, garder l’entrée de l’Andalousie, surtout ne pas reculer d’une manière apparente. L’idée d’un recul exaspérait Napoléon, comme une sorte d’humiliation pour ses armes, en face d’ennemis aussi méprisables que lui apparaissaient les Espagnols.

Il n’était donc pas question de reculer sensiblement, mais il était possible de se concentrer un peu en arrière sur les hauteurs de Baylen pour dominer le cours du Guadalquivir. En choisissant cette position, Dupont évitait jusqu’à l’apparence de se rapprocher de la Sierra Morena, car il en restait encore à deux journées d’étape. En revanche, il diminuait de vingt-quatre heures la distance qui le séparait des renforts attendus. Il lui suffisait d’expliquer en quelques lignes la situation à ses chefs pour être assuré d’avance de leur approbation. Le lieutenant-colonel Titeux convient lui-même qu’on ne pouvait se maintenir à Andujar qu’à la condition d’occuper solidement Baylen. La meilleure manière d’exécuter les ordres reçus était donc d’occuper tout de suite ce