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la nuit du 18 au 19 juillet par une chaleur suffocante, sous des flots de poussière. Leur chef les conduisait à l’assaut de la position de Baylen qu’il aurait pu occuper plusieurs jours auparavant, que Vedel avait commis la faute d’abandonner, et où l’ennemi s’était installé sans résistance.

De trois heures du matin à midi, ils attaquèrent intrépidement les deux divisions de l’armée espagnole commandées par Reding, solidement retranchées en avant de Baylen, couvertes par une puissante artillerie, dont les pièces de 12 écrasaient nos batteries de 4. Ces attaques meurtrières demeurèrent sans résultat. Dans les fortes positions qu’il occupait, l’ennemi ne recula sur aucun point, malgré l’énergie des assaillans. C’était une troupe d’élite, recrutée avec le plus grand soin, brave et fanatisée. Elle ne céda pas un pouce de terrain.

A midi, à l’heure la plus chaude de la journée, il devint évident qu’on ne réussirait pas à s’ouvrir un passage à travers les lignes espagnoles, que la route de Madrid était ainsi fermée et qu’il ne restait que peu de chances de salut. Retourner en arrière vers Andujar ne paraissait pas moins impossible. On se heurterait inévitablement à Castaños et aux deux autres divisions espagnoles. De quelque côté que l’on jette les yeux, sur son front, sur ses flancs, sur ses derrières, partout l’ennemi, un ennemi féroce et implacable. Il y a bien Vedel qui pourrait prendre les Espagnols à revers et apparaître comme un sauveur : Mais Vedel ne paraît pas, il n’est qu’à trois lieues de Baylen, il entend le canon depuis le matin, et, pendant que ses camarades agonisent, il s’arrête paisiblement, sans le moindre souci du drame qui s’accomplit, pour laisser reposer et manger ses soldats. Lorsque tout espoir de succès et tout espoir de secours s’évanouissent ainsi, un immense découragement s’empare des conscrits de Dupont.

Les hommes accablés par la fatigue et par la soif se couchent haletans sur la terre brûlante. Il y en a qui jettent leurs armes pour aller chercher quelques gouttes d’eau dans le lit desséché des torrens. Pour comble de malheur, à ce moment-là même, la brigade suisse abandonne nos rangs et passe à l’ennemi ; il reste à peine 2 000 hommes au drapeau. C’est alors, mais alors seulement, qu’après avoir payé de sa personne, après avoir conduit plusieurs fois avec la plus grande bravoure ses régimens au feu, Dupont crut n’avoir d’autre ressource pour sauver les débris de