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philosophiques qui résument le mouvement de la science. Nous devons aussi donner une attention particulière à toutes les questions qui touchent à la méthode scientifique.

Or, c’est précisément à l’emploi d’une méthode d’investigation appropriée que sont dues les plus récentes acquisitions. C’est l’étude attentive du fonctionnement hépatique des animaux Invertébrés qui a permis de comprendre celui des Vertébrés.


I

Les diverses sciences de la nature se prêtent secours et assistance, pour le plus grand profit des unes et des autres. La physique et la chimie guident la physiologie ; celle-ci, à son tour, éclaire un certain nombre des problèmes de la zoologie. Chaque groupe de connaissances est plus ou moins redevable à ses voisins.

C’est là une vérité banale. Et pourtant, il fut un temps où, dans notre pays du moins, on n’en convenait pas volontiers. Les différentes branches de la biologie faisaient mine de se dédaigner ou de s’ignorer. La physiologie expérimentale se cantonnait dans l’étude des animaux supérieurs : les animaux inférieurs appartenaient aux zoologistes. « Jusqu’à quand sacrifierez-vous des chiens, des lapins et des grenouilles ? disait à l’expérimentateur son voisin le naturaliste. Quand en aurez-vous fini avec ce trio d’espèces communes ? D’espèces d’insectes seulement, nous en avons quatre-vingt-cinq mille, au bas mot. Où en serions-nous si nous marchions de votre train ! » Il y eut un moment où toute une école de zoologistes se donnait le travers de déclarer qu’il n’y avait de dignes d’observation que les invertébrés, et encore, à la condition qu’ils vécussent dans les eaux marines. Ni l’eau douce, ni l’air atmosphérique, n’hébergeaient rien, paraît-il, qui pût nous renseigner sur les véritables secrets de la vie.

Les physiologistes, à leur tour, n’étaient pas en reste avec leurs contempteurs. Après une soutenance de thèse, en Sorbonne, l’un des juges, physiologiste éminent, disait au candidat : « Votre mémoire est une monographie complète et soignée ; les dessins en noir sont irréprochables, les dessins en couleur sont à offrir en modèle. Il n’y a qu’une restriction à faire à l’excellence de ce genre de travail : c’est qu’il perdrait toute valeur si l’animal qui en est l’objet n’existait pas. » Cette boutade de Paul Bert fit scandale dans le monde des naturalistes. Elle avait une signification que les uns ne comprirent point et que les autres ne voulurent pas comprendre. Elle disait qu’il y a des